Geeks : esthétique de la médiocrité enfantine

 Il était une fois…

J’ai envie de vous parler d’étranges personnages fleurissant au gré des modes. Geeks, nerds, otaku, nolife que de synonymes pour présenter les passionnés en perpétuelle ringardisation. Voici un clip d’Al Weird Yankovic résumant bien la situation. Il s’agit de la chanson « White and nerdy » :

Vous vous êtes reconnus ? Vous avez compris tout ce qui s’y est dit ? Alors ne paniquez pas, c’est grave sans que ce ne soit irrémédiable. Il suffit simplement de retourner dans le placard dont vous êtes sortis à la faveur des tendances. Avant que certains ne m’insultent violemment ou menacent de me jeter à la figure le manuel du scout klingon, rappelez-vous qu’il m’arrive de parler au Café des Liches de jeux de rôles, de comics, de manga et de jeux vidéo. Je n’aborde pas le domaine informatique mais gérer cette demeure implique que je m’y intéresse. Bref, je suis des vôtres frères et sœurs perdus ! Dans mon cas il faut simplement remplacer « white and nerdy » par « black and nerdy ».

Qui sommes-nous ?

Maintenant que j’ai capté votre attention passons à l’essentiel : pourquoi le côté geek/nerd/otaku/nolife/freaks décomplexé me révulse. Commençons par une définition du défunt Quid édition 1997 où j’ai découvert le terme de geek : « étudiant rébarbatif au physique ingrat qui a réussi. Exemple : Bill Gates ». Je pense qu’ils ont du avoir un certain nombre de problèmes avec Windows. Signe fort de mon processus de nerdisation : à l’époque je lisais le quid le soir pour m’endormir. Vous avez le droit de me jeter des pierres.

Gates mugshot of his 1977 arrest in New Mexico By Albuquerque, New Mexico police department [Public domain], via Wikimedia Commons

Plus généralement, ces termes barbares désignent des passionnés d’informatique, de science-fiction, d’héroic-fantasy, de jeux de rôles, de comics, de manga et de culture asiatique en général. Mais attention, je parle là de fan(atiques) dont la vie tourne autour de ça et dont c’est le principal sujet de discussion. Vous aimez Star Wars ? C’est une chose. Vous collectionnez tous les objets Star Wars, allez dans les conventions et placez ce sujet de discussion dès que vous en avez l’occasion? Geek. Amateur des Simpson, vous connaissez le personnage du vendeur de BD : c’est l’un des archétypes. Un très bon ami dont je tairai le nom pour ne pas ruiner sa réputation (mais dont l’esprit chafouin serait amusé) disait un soir de beuverie que « le sexe nous avais sauvé de la nerderie» Cruel constat où une partie de cette population se distingue par la pauvreté de sa vie sexuelle. On peut se cacher derrière tous ces anglicismes ou expressions japonaises, on peut résumer cette définition par sa véritable transposition française : ringard. C’est bien ce terme qui définit tout et qui est brillamment rappelé dans le clip de Yankovic. Pour une autre source, je vous suggère l’excellente série « Freaks and geeks » où vous retrouverez notamment James Franco, plus jeune mais déjà mimi ainsi que -le-mec-de-how-I-met-your-mother-qui-est-sympa-mais-dont-j-oublie-toujours-le-nom.

La forteresse de solitude 

L’altérité est un fondement de l’être humain. Certains toutefois se jettent à corps perdu dans leur passion en s’oubliant et en oubliant le monde. Je  fais référence ici aux « Nolife ». Ce terme est né dans l’univers des jeux en réseau où les personnes qui étaient connectés 24/24 étaient affublées de ce sobriquet infamant. Etrangement, de plus en plus à présent se réclament de ce titre. Sont-ils conscients de ce qu’implique ce terme ? Être un sans-vie est-il une vertu ? Ces disciples de l’exclusion ont à présent leur chaine appelée « Nolife », leur phare vers une sorte de respectabilité médiatique. Japanimation et jeux vidéo sont les composantes essentielles de cette chaine. Le choix de ce nom a rendu pérenne ce qui n’était qu’une expression de mépris. L’un de vous se sent-il de dire « je suis un sans vie » ? Dans ce cas, je trouve que nous avons un exemple insensé quand on la façon dont certaines personnes se définissent avec un grand sourire.

Le fantasme

Ceci m’amène à définir le terme d’« otaku » également employé régulièrement. L’otaku est le fan de manga. En France, second pays consommateur de ce bien culturel, ce terme est comme pour le nolife devenu mélioratif alors qu’il s’agit d’un terme éminemment péjoratif.

Cosplay avec des fans de Bleach et de Naruto (source : Wikipedia Common, auteur : Javier Mediavilla Ezquibela)
Cosplay avec des fans de Bleach et de Naruto (source : Wikipedia Common, auteur : Javier Mediavilla Ezquibela)

Afin d’illustrer cette différence, une petite histoire (Ho non, encore !) Il y a un an, je discutais sur Skype avec mon frère. Il habite à Tokyo depuis une vingtaine d’années et les récentes catastrophiques ont fait que ce moyen de communication était le plus simple pour garder le contact. Voulant faire le malin, pour dire bonjour j’ai sorti l’expression « Oyo ». C’était  le mot fétiche d’un célèbre personnage de manga, Kenshin le vagabond. Je m’étais souvenu d’un article lu il y a une dizaine d’année : j’y apprenais que le « Oyo » était devenue une expression populaire auprès des enfants japonais. Qu’avais-je dit là ! Sa petite amie m’a fortement suggéré de ne jamais employer le terme « Oyo » lorsque je retournerai au pays du soleil levant. C’est l’expression fédératrice des otaku m’a-t-elle appris, hors ceux-ci sont très mal vus. Ils sont  le symbole de la désocialisation et de l’enfermement dans une vision pathologique. Pour rappel, otaku signifie « qui fait tout à la maison ». Ils ne sortent pas, ils restent enfermés chez eux entre leurs figurines de manga et leurs consoles. Pour relativiser un peu, le rapport à la société est très différent entre nos deux pays et l’impact de ce terme est à nuancer ici. Toutefois, la profusion d’expressions tirées du dictionnaire franco-manga peut être surprenante. Je dis bien franco-manga et non franco-japonais. Je crois que le plus irritant chez les otaku français est leur propension à se prendre pour des experts du Japon. Plus sérieusement, la vision des plus jeunes est biaisée par cet imaginaire importé. Il semble que le fantasme prenne le pas sur une véritable découverte du Japon. Très souvent j’ai entendu parler des notions de droiture, de respect, de travail. D’accord. Et le massacre de Nankin ? Le nationalisme fort ? Je ne dis pas ça pour descendre le Japon ; vous avez noté à plusieurs reprises mon affection pour ce pays. Je tiens à mettre en lumière quelques points négatifs pour contrebalancer les fantasmes collectifs. Il est intéressant de noter à quel point les médias français ont véhiculé les clichés habituels sur le japonais organisé, civilisé, travailleur et courageux. Certes il y a pire comme cliché, mais cela reste étouffant pour ceux qui en sont la cible.  Heureusement, certains ont su se moquer. Combien de fois a-t-on pu entendre des otaku français clamer qu’ils aimeraient vivre au Japon ? Vivre à l’étranger est une perspective agréable mais cela devient risqué lorsque ce désir est basé sur ce qu’on lit dans des bandes-dessinés ou voyons dans des animés. Combien iront jusqu’au bout et combien déchanteront ? Je cite de nouveau le massacre de Nankin : si vous avez une vision idyllique du Japon, renseignez-vous sur ce sujet. J’apprécie ce pays avec ses bons côtés et sa part d’ombre. J’avoue que j’ai du mal à admettre qu’on se contente d’aimer des chimères.

La piété des fanboys

Présentation de l'Iphone 4 par Steve Jobs (source : Wikipedia, auteur : Matt Yohe )
Présentation de l’Iphone 4 par Steve Jobs (source : Wikipedia, auteur : Matt Yohe )

Il s’agit d’une catégorie qui a tendance à m’effrayer ; des inconditionnels d’une marque, généralement dans le domaine des nouvelles technologies. Des gens qui pour leurs téléphones ne jurent que par l’Iphone ou le système android ; pour qui rien ne vaut un ordinateur sous Linux ou sous Windows, ou mac. Pour être plus précis, le fanboy revendiqué est celui ou celle qui nie l’intérêt d’une marque autre que la sienne. Chacun ses préférences, certes, mais les habitués des sites ou forum informatiques voient aisément de quoi je parle. Rapidement, le moindre sujet vire à la foire d’empoigne, chacun crachant à la figure de l’autre les défauts du produit concurrent, se provoquant à la moindre occasion. Il y a un problème sur les Iphones ? Les fanboys d’Android arrivent pour commenter et rajouter une couche épaisse de critiques. Un article en défaveur des téléphones sous android ? Les fanboys de la marque à la pomme répliquent avec la même violence. Parfois c’est amusant, d’autres fois c’est agressif et gênant. Oui c’est gênant car on sent que là tout sens critique se perd. C’est gênant car aucune marque ne justifie que des individus se traitent de tous les noms. La dévotion est telle qu’elle se rapproche du sentiment religieux. J’avoue avoir une défiance naturelle envers les pieux dévots. Celle-ci est plus forte quand je vois des gens s’injurier ou se menacer pour des choses aussi futiles. Certains blogs informatiques comme ceux de Korben ou du hollandais volant ont même provisoirement fermé les commentaires pour éviter les débordements. Je suis sous Windows 7 et j’en suis très content ; ça ne m’empêche pas de reconnaître les qualités d’un mac ou d’une distribution Linux. Si on me parle de ce qui ne va pas dans les systèmes que j’utilise, je ne le prends pas comme une attaque personnelle. Je n’ai que faire de savoir qui a la plus grosse machine. Essayez avec un fanboy… D’ailleurs essayez avec n’importe quel fan quel que soit le domaine. « Fan », j’enfonce des portes ouvertes mais il toujours bon de rappeler que ce n’est que le diminutif de fanatique… Bien évidement ce phénomène n’est pas nouveau : les Beatles contres les Stones, les Métaleux contre les rappeurs, Molière contre Montfleury, Orpheo Mundi contre la tête de l’artiste, droite contre gauche etc.  Le rejet de l’autre semble être la valeur-refuge universelle et intemporelle… Ce qui fait la spécificité de cette catégorie ici décrite est le côté un peu superficiel de ces amours : on parle d’ordinateurs, de téléphones, de produits de consommation. Il ne s’agit pas de politique, de religions, d’éthiques, d’arts ; on ne se bat pas pour un idéal esthétique. Non, il s’agit d’objets qui dans un an seront démodés et remplacés. Est-ce à cela que tient une société ? Sont-ce les valeurs que l’on veut transmettre ? Ayons pitié de la piété des zélotes.

Nos amis les geeks

Tandis que je parlais ce matin de cet article avec mon conjoint qui ne fait partie d’aucune de ses catégories, celui-me dit assez opportunément qu’il trouvait que « les geeks sont différents des nerds parce qu’eux au moins sont intelligents ». Effectivement, ce qui distingue à la base le geek c’et son intérêt réel pour la science en général et les nouvelles technologies en particulier. Mais ne nous trompons pas, le geek est celui qui aime comprendre, analyser, décortiquer ce qu’il voit. On peu le résumer par la notion française de « rat de bibliothèque». Vous voyez le genre ? Tête de premier de la classe ou à l’apparence négligée tel le fameux Rodolphe.

Cette étrange créature peut vous parler pendant des heures de programmation et vous décrypter des lignes de codes informatiques tout en ayant un orgasme.  C’est une personne compétente dans son domaine mais qui a succombé aux sirènes de la ringardisation et se trouve affublé d’un côté monomaniaque pesant. En cela on retombe sur la définition vengeresse du quid cité plus haut. Cela n’a rien à voir avec cette tendance un peu agaçante consistant à se clamer « geek » parce qu’on a acheté un iphone ou tout autre symbole d’appartenance à une caste. Des connaissances s’acquièrent, elles ne s’achètent pas. Simplement acheter un gadget ne fait pas d’un individu un geek ; juste un simple consommateur qui veut suivre la mode ovine que ce soit un premier ministre ou tout autre chainon de masse. En dépit de ses défauts sociaux, le geek à un moins des qualités que n’auront jamais les geeks autoproclamés notamment le principal : la curiosité.

À présent, la définition du geek a changé, elle est devenu un gigantesque amas de tout : il faut à présent aimer les films de super héros, les comics, les mangas, Tolkien et l’informatique. Finalement cette terminologie regroupe tout ce qui est et sera décrit dans ce dossier pour devenir la bannière flamboyante de l’internationale geek. C’est la raison pour laquelle je me permettrai souvent de résumer cette foule passionnée par ce terme galvaudé.

La création

Mon principal problème avec cette tendance décomplexée est son imprégnation dans les processus créatifs de façon parfois grotesques. Pour une vision globale, je reproche à la production télévisuelle, cinématographique, littéraire ou picturale de rester sur les références adolescentes sans discernement et sans structure.

L’œuvre de geek

Prenons l’exemple de séries comme « Buffy contre les vampires » ou « True blood ». Je cite celles-ci car les vampires ont la côte et face à cette déferlante, les producteurs ont les crocs. Ces exemples ne sont pas dénués de qualité mais trop souvent je reconnais les influences ; elles ont bercé mon enfant puis mon adolescence. Par moment cela me fait sourire, à d’autres ça me navre. Pour ceux qui les connaissent, la thématique est celle d’humains plongés dans le surnaturel. Au fur et à mesure, il faut reconnaître que ça devient du grand n’importe quoi. Tous les personnages finissent par être des sorciers ultra-puissants, des descendants de monstres ou je ne sais quoi d’autres. Où est l’humain de base standard ? A ce moment, le côté enfantin reprend le dessus, la tentation de l’excès de faire « des trucs qui pètent » devient trop forte. Le récit n’est plus tenu. C’est une des dérives par exemple des joueurs de jeux de rôles (je publierai prochainement un dossier à ce sujet) Ces deux séries que je cite sont imprégnées de cette culture. Un grand auteur, quelque soit le medium choisi, doit savoir tenir son récit du début jusqu’à la fin et ne pas laisser ses passions égoïstes l’emporter sur la cohérence du discours et de l’histoire.

 Pourquoi le processus créatif peut s’opposer à la geekerie.

Nietzsche
Nietzsche (source : Wikimedia Common)

Après ces exemples grand public, prenons la théorie concernant la création artistique. Pour ceci, je vous invite à lire « La naissance de la tragédie » de Nietzsche qui est une excellente référence. Ne frémissez pas d’effroi, lire cet essai est plus aisé qu’écrire le patronyme de son auteur. La création peut se réduire à deux principes ; l’apollinien et le dionysiaque. Les deux sont bien évidement des références à Apollon et Dionysos. Ils représentent les deux facettes de l’art que l’on pourrait résumer par la structure pour le premier et la passion pour le second. Si l’apollinien représente la construction  méthodique et empirique, le dionysien est la nature qui crée et détruit dans la plus totale indifférence. L’œuvre nait de l’équilibre entre les deux. Ce que je reproche à la production « geekesque », c’est de n’être que dans la passion, le dionysiaque en laissant de côté l’apollinien. Le fait de construire une œuvre basée sur son âme d’enfant et d’adolescent est une chose intéressante, mais le manque de maturité conduit au gouffre que j’ai cité. Je vais me faire vache, au risque que les mauvais esprits me décrivent comme folle. Parents, futurs parents, amis de parents, que pensez-vous des dessins faits par les enfants ? Répondez honnêtement. C’est avec beaucoup de concentration qu’ils dessinent leurs univers et avec une infinie tendresse qu’ils nous présentent leurs œuvres. C’est beau, ça vient du cœur. Le cœur ne suffit pas à faire une œuvre d’art, quand bien même leurs fresques seraient signées à l’aide de coquillettes malhabilement collées sur la feuille (certains artistes contemporains ne font pas mieux et le vendent très cher) Une œuvre 100% geek est pour moi comme un dessin d’enfant.

L’adolescence en nous 

Peter Jackson (source : Wikipedia, auteur : Natasha Baucas)

Sans faire la liste des geeks célèbres, je voudrais me pencher sur deux exemples marquants de l’écriture et/ou de la réalisation que je qualifierai d’adolescente. Peter Jackson, à l’évocation de son nom, chaque membre de l’international nerd célèbre son corps. Je vais me concentrer sur son remake de King Kong qui m’a légèrement agacé. Dans ce film, on assiste à des moments de bravoure, notamment lorsque les braves explorateurs se retrouvent assaillis pas les insectes. Ils sont débordés, ils succombent, ils tombent au ralenti, une musique faisant écho à leur désespoir retentit… Mais non ! La bravoure renaît tel un phénix jeté dans les flammes ! Des renforts arrivent dans un ralenti  digne de John Woo, le soleil brille de nouveau, les yeux des spectateurs laissent couler des larmes d’émotion devant ce courage, on a la chair de poule, je regarde l’heure, je m’ennuie profondément ! Ça me saoule ! Ce qui avait un peu de sens dans son œuvre précédente, la trilogie du seigneur des anneaux est grotesque ici. Dans King Kong, ce n’est pas une fois mais plusieurs que ce réalisateur dieu des geeks nous fait le coup. Je m’attendais à ce qu’il montre un des personnages pisser au ralenti contre un arbre pour montrer à quel point il souffrait d’une infection urinaire. Je ne nie pas le talent de Peter Jackson, mais ces référents culturels prennent trop de place. Laissons John Woo et Tsui Hark faire ce qu’ils savent si bien faire. Laissons les auteurs et dessinateurs successifs des X-men mener leurs histoires. Il est inutile de se ramener avec ses gros sabots pour faire comme eux, on sombre vite dans la caricature. Le summum était atteint avec un film comme « le pacte des loups »de Christophe Gans. Tout amateur de manga ou de films asiatiques se doit de le remercier car il a fait énormément pour faire connaître ceci en France à une époque où ce n’était pas évident. Mais qu’est ce que ce film était insupportable ! Oui, il s’est fait plaisir, mais ce plaisir était totalement égoïste.

Prenons un autre fan de manga célèbre, en l’occurrence James Cameron. Il a toujours avoué son affection pour les bandes-dessinées et l’animation nippone, au point que depuis des années il annonce son projet de réaliser un film tiré du manga « Gunnm ». J’ai parlé jusqu’à présent du récit non tenu et de l’excès de référence étouffant. Le troisième point qui m’agace, est celui de l’ennui que j’éprouve. Je l’avoue, même si je peux prendre du plaisir devant certains de ces films, généralement James Cameron m’ennuie. Quand je regarde ces films, et je pense surtout à « Alien 2 » je retrouve tout ce que je connais déjà. Je n’ai pas  de surprise. J’ai grandi avec ces références. Pour le public qui ne connaît pas, c’est effectivement surprenant, pour les autres, c’est du réchauffé. À ce sujet, je me permets de citer le Matrix des frères Wachowsky. Le premier m’a plus, mais contrairement a beaucoup je n’ai pas trouvé l’histoire révolutionnaire. Pourquoi ? Parce que ce film rassemble toutes les tares énumérées dans les exemples précédents. Je n’ai pas été surpris par le scénario vu et revu des centaines de fois, les poncifs de cette culture nerd/geek/otaku sont présents ; concernant les suites…

Bien sur tout n’est pas à jeter dans cette culture « geek ». Les films précédemment cités sont loin d’être mauvais (excepté l’un d’eux) Des bijoux comme les Simpsons font de nombreux clins d’œil aux nerds, comme dans cette scène parodiant la célèbre pub d’Apple 1984.

Comme je suis sympa je vous mets l’original et incite fortement les mécréants qui n’ont pas lu « 1984 » de le lire :

Cet article est certes à charge (nan ?! On n’avait pas remarqué)  et je ne renie rien de mes passions passées et actuelles. J’ai simplement envie de remettre certaines choses à leurs places.

Le syndrome de la vache sacrée

Chris Penn, Gary Daniels, and Costas Mandylor in Fist of the North Star (1995)

J’ai fait référence aux adaptations cinématographiques de comics. On pourrait également parler de toutes celles concernant les mangas, les jeux vidéo ou les séries. Dragon Ball évolution, Fist of the north starn Double dragon, super Mario : de véritables chefs-d’œuvre !  Que dire des premières adaptations de Spider-man ou Captain America dans les années 60-70 ? Le geek, le nerd, est une sacrée pompe à fric pour les studios qui comptent sur les fans.

Je voudrais m’attarder un peu sur les adaptations des X-men, comics culte pour des générations de lecteurs (cette bande-dessinée existe depuis une quarantaine d’années tout de même) Concernant la trilogie, j’ai détesté. En tant que spectateur lambda, je cherche encore le scénario. En tant que fan, elle m’a déplu surtout à cause du rôle attribuée au personnage de Cyclope et tous les changements qui en ont découlé. Les scénaristes ont fait passer celui qui était le leader charismatique de l’équipe pour un sale gosse lèche-botte. Réaction de geek qui n’aime pas que l’on touche à ce qu’il aime, certes. Toutefois, il arrive que des changements de ce type ne me gênent pas : tout simplement lorsque le scénario est suffisamment bon pour faire oublier les modifications. Dans le cas de cette calamiteuse trilogie, la production s’est concentrée sur le personnage le plus populaire auprès des fans, celui qui était en même temps qui était le plus accessible pour les néophytes. Il a même eu son film. Je fais bien sur référence à Wolverine. La prise de risque était minime pour un succès évident.

Comparons maintenant avec le dernier film sorti, en l’occurrence X-men le commencement. Un ami a résumé assez justement ce film : « il a moins marché que les autres parce qu’il est intelligent ». Je parlais de cette modification insupportable dans les réalisations précédentes ; ici elles sont beaucoup plus importantes, l’histoire n’a plus rien à voir avec celle du début. Les personnages n’ont plus forcément grand-chose à voir avec ceux d’origine et certains éléments sont au-delà de toute incohérence. Cyclope, encore lui, était le premier X-men. Il a  un petit frère, Alex Summers qui rejoindra le groupe. Et bien là, dans ce film ayant pour toile de fond la guerre froide, le petit frère est déjà là alors que le grand n’est pas encore né.  Pourtant ça ne m’a pas dérangé, l’histoire se tenant et abordant certaines thématiques importantes. Ce film est un peu comme « Titanic » ou les trois premiers épisodes de « Star wars » ; on sait ce qui va se passer : Eric Lershner va sombrer du côté obscur en devenant Magnéto et Charles Xavier sera dans un fauteuil roulant. En résumé, on connaît déjà la fin, et les incohérences sont plus importantes que dans la série précédente. C’est pourtant avec plaisir que je reverrais ce film et sous la torture que je jetterai un œil méprisant sur ces prédécesseurs. L’un cherche à dépasser l’aspect mythologique pour fonder une œuvre. La scène où le futur Magnéto se retrouve face à ses bourreaux est saisissante. La conclusion de cette confrontation ? On lui demande qui il est, sa réponse est la suivante : « Je suis la créature de Frankenstein, je veux rencontrer mon créateur ». C’est finalement ce qui va marquer tout le film et apporter une teinte particulière en évitant la stricte dichotomie. La seule couleur de la trilogie est celle des dollars engrangés. Est-ce un grand film ? Assurément non. Est-ce un bon film ? Certainement oui. Il a cherché à proposer autre chose. Il n’y a pas de têtes d’affiche comme Sir Ian Mac Cullen, Patrick Steward ou Hugh Jakmann. ; Qu’importe.

Il n’y a qu’un détail irritant. Dans « X-men : le Commencement », le jeune Charles Xavier met systématiquement deux super-doigts sur sa super-tempe pour bien montrer qu’il utilise ses superpouvoirs de super-télépathe. Résultat, c’est super gonflant. Ce bon ami qui avait si bien expliqué le peu d’entrées du film m’a appris que cela vient de l’acteur (précision/rectification :apparemment le film a finalement bien marché). S’étant dit que les autres avaient des pouvoirs trop cools et impressionnants tandis que lui n’était que cérébral, il a proposé ceci au réalisateur qui a fait l’erreur d’accepter. Ici, on a eu droit à l’incursion inutile de la geek attitude qui veut un truc-trop-fort-qui-déchire-et-qui-pète-sa-maman. La sobriété vient avec la maturité. Tuer le père est une condition pour atteindre cette maturité. Ce film ou d’autres comme Spider-man ont ré-invité les personnages et l’histoire. La trilogie des X-men est restée sur la mythologie de Wolverine sans oser toucher à cette vache sacrée.

Tous les films de super-héros ne sont pas des horreurs, par exemple si on prend la trilogie de Spider-man, et il n’est pas nécessaire de piocher dans la culture geek pour faire des mauvais films. Ma synthèse serait la suivante :

  • Une partie de ces productions accumulent les poncifs. Trop de références à ce qui a été fait tue la référence.
  • Un scénario au départ original se délite faute de maturité. Le désir adolescent est trop fort.
  • Ce qui est connu est franchisé devient un piège pour un auteur pris entre ses envies, celles des producteurs et celles du public. Ceci peut amener à une réalisation/production fade.

Tout ceci me semble correspondre au mauvais film de genre, car c’est là le problème si je reste sur les exemples cinématographiques : le film pour geek devient « le film de geek » avec ces codes et ses dérives, tout comme il existe le polar, la comédie romantique etc. Ceci ne se limite pas qu’à ce medium. Il existe une littérature de geek, un art geek etc. Blaxploitation, sexploitation, en sommes-nous à la geexploitation ?

L’appropriation culturelle

J’aimerais parler un peu des geeks et des non-geeks et de l’appropriation par chacun de cette culture. Il est de bon ton actuellement de s’autoproclamer de l’un ou l’autre des titres évoqués précédemment. Vous rappelez-vous de la petite gueulante que j’avais poussé à l’encontre des jeunes filles qui se disent bisexuelles pour faire cool dans l’article « Le coming-out par l’art » ? C’et un peu la même ici même si c’est beaucoup plus anodin. Il est de bon ton de dire qu’on adorait les comics, les univers fantastiques à la Tolkienou de parler de donjons et dragons. Hum… Je me rappelle que les mêmes personnes qui dans les années 80-90, me disaient que les comics étaient idiots se targuent à présent de regarder tous les films de super-héros. Juste pour info, ceux qui suivaient véritablement ces séries appellent « Wolverine »  de son nom français « Serval ». À partir de là le tri est vite fait. Ce sont des détails de ce type qui permettent de faire le distinguo. Les mangas : à l’époque il était dit que ce n’était que du sexe et de la violence pour un public de dégénérés. Voire pour ceci le reportage qu’avait consacré Jean-Jacques Beineix à ce sujet. Ce reportage m’avait agacé mais avec le recul il est très symptomatique de cette époque. Un instant pour le contexte :

  • Une grosse partie des premiers mangas sortis en France étaient  certes portées sur le sexe et la violence. C’était la décision des boites d’éditions de l’époque. A moins de se procurer des œuvres d’importation en japonais non-soustritrés, il fallait se contenter de ce qu’on nous fournissait. Encore une fois je le rappelle, il y 10-15 ans c’était au compte-goutte.
  • Ne soyons pas hypocrite, le sexe fait vendre. Canal+, Minitel, internet ; en dépit de leurs qualités respectives, cet aspect fut un moteur important dans leur adoption.
  • Il y a eu un malentendu concernant le statut des dessins-animés. En France, les dessins-animés et les mangas  étaient considérés pour les enfants sans aucune nuance, ce qui n’est pas le cas au Japon. Le club Dorothée de l’époque et certaines erreurs de programmation étaient le symbole même de cette incompréhension.
  • Ben, c’est bien de temps en temps le sexe et la violence.

En tout cas, il fallait faire accepter ses gouts à l’époque. Maintenant les gens vont jusqu’à voir Dorothée ou Chantal Goya sur scène.

Dé 20
Dé 20 (source : wikipedia, auteur : Tobias Rütten)

Ha ! Les jeux de rôles ! L’expression est connue à présent. On n’est très loin de cette époque où Mireille Dumas avait fait une émission sur le danger de ces jeux. Les exemples sont trop nombreux pour que je puisse tous les citer. Ce qui me dérange, ce n’est pas que les gens s’y intéressent maintenant, il est plaisant d’avoir plus d’interlocuteurs. Non, le problème, ce sont tous ceux qui se targuent maintenant d’avoir suivi dès le début alors qu’ils crachaient dessus à cette époque. Le problème est d’attendre qu’une chose soit socialement acceptable pour que les gens s’y intéressent ou avouent qu’ils s’y intéressent. Tous ceux de ma génération ont essuyé pas mal de railleries, même si je pense en avoir eu peu par rapport à ce qui était possible, du coup cette situation titille un tantinet mon âme geekesque. Un petit côté résistant de 47 ? On arrive après la bataille ?

Je me souviens d’une interview de Nicolas Sirkis. Il disait qu’à une époque, il était dur d’aimer la musique et de dire qu’on était fan d’Indochine. Ma première réaction fût de me dire qu’on ne peut pas aimer la musique et être fan d’Indochine. Me seconde fut que ce groupe que je n’apprécie pas spécialement à continué son bout de chemin sans faillir en dépit des pertes. Leur public, lui s’est avéré timoré et inconséquent. Ceux qui aimaient ne le disaient pas, et ceux qui crachaient sur eux aiment à présent parce que c’est de nouveau respectable.   La culture, la sous-culture ou la contre-culture sont faites pour être partagée. Je le confesse devant eux : J’ai parfois l’impression d’être dépossédé de ce que j’aimais. C’est une réaction totalement crétine. Vous pouvez me lapider à coups de météores de Pégase.

Les rêves illusoires 

Attention, suprême instant otaku, je m’apprête à citer Gaara du désert, un des personnages du manga Naruto. Il dit à notre héros blondinet histrionique :

« Nous ne sommes pas assez fort pour faire coller nos rêves à la réalité ».

J’ai tendance à me dire que la vie consiste justement à matérialiser nos rêves. Tout ce que je décris précédemment me semble être un symptôme d’enfermement dans le rêve. On reste dans les références connues, on n’ose pas égratigner l’icône, on se remémore le bon vieux temps….  Je faisais référence plus haut à notre génération ayant grandi avec RécréA2 et le Club Dorothée. Tous nous connaissons ces moments où nous nous remémorons les dessins-animés et les séries que nos aimions tant. La nostalgie est agréable tant qu’elle ne devient pas une prison. La créativité souffre d’excès mémoriels. Ceci est une tendance générale institutionnalisé par le terme d’adulescent, ces personnes qui repoussent le passage à l’âge adulte. S’ils sont les symboles d’une société se languissant de son passé, ils sont aussi victimes/responsables de cet état que ceux d’autres âges ou catégories.  Concerts de retrouvailles avec les anciennes gloires des années 80, émissions de télévision tournant en boucle et parlant de la télévision d’avant. On ressort des placards « Champs-Elysée » tandis qu’à une époque une chaine du câble rediffusait « Coucou c’est nous ». Le public demande la reformation de groupe quitte à subir des calamités comme « les bronzés 3 ».

La culture geek dans son ensemble est à la fois génitrice et fille de cette tendance. La nostalgie a incité la population à se rapprocher d’elle ; les efforts pour la promouvoir ont porté leurs fruits. Je fais ici principalement référence aux comics, manga et jeux de rôles. Les jeux vidéo et l’informatique sont également concernés : il existe des nostalgeek de l’Amstrad cpc 6128 par exemple. Certaines société ont compris le filon et ont relancé la production de machine comme le Commodore. Quel est le point commun entre tous ces domaines ? Ils ont permis l’ouverture vers autre chose que le présent en tant que temps et en tant que situation. Certains ont apporté une part de rêves et d’évasion tandis que les nouvelles technologies faisaient découvrir au monde d’infinies possibilités. La peur du lendemain due à l’univers anxiogène dans lequel nous vivons est probablement une des raisons qui expliquant cet engouement pour le passé qui était alors la promesse d’un futur radieux.

Amstrad CPC464 (source : Wikipedia Commons, auteur : Bill Bertram)
Amstrad CPC464 (source : Wikipedia Commons, auteur : Bill Bertram)

On ne peut parler du geek sans aborder la mode et le style geek. Je reviens de nouveau à la transcription française : le look ringard. Ces dernières années, nous avons vu le retour de la sandale allemande, des tongs ; je viens d’apprendre à ma grande horreur que les espadrilles deviennent tendance. Les lunettes qui étaient le signe extérieur de ringardisation sont devenues des accessoires de modes. Les montures actuellement  tendances sont celles qui étaient ringardes il y a peu. Le pull de grand-mère que l’on ne sort qu’une fois par an pour voir celle qui l’a tricoté est le comble du fashion. Ai-je besoin d’expliciter plus mon opinion sur la mode ? Rodolphe ?

 En conclusion

Concluons cet exceptionnel dossier qui marquera à jamais l’amicale internationale geek. Aux geeks, je citerais Eric Schmidt, ancien PDG de Google qui disait en gros que l’informatique c’était bien, mais que « rien ne valait le bonheur de tenir la main de son petit-fils lorsqu’il apprend à marcher ». Je citerai ensuite Bill Gates qui disait il y a quelques années, au moment où il a créé sa fondation, que « la femme africaine qui a du mal à nourrir son gosse n’en a rien à faire d’avoir Windows ». Ça va de soi, me direz-vous. Certes, mais on parle du même PDG de Microsoft qui avait sorti que son rêve était que tout le monde soit équipé de Windows. Les priorités changent, bien heureusement. On grandit, on mûrit, on garde sa part de rêve (j’ai l’impression de faire un mauvais monologue interne d’une sitcom) Oui, frères geek et sœurs geekette, tout n’est pas à jeter dans la culture geek, loin de là. Je suis ce que je suis en partie grâce à elle (« Ho merde… » Je crois entendre) Toutefois, de là à se vanter d’être un geek, un nerd, un otaku, un nolife, un fanboy ou je ne sais quoi s’autres, être simplement un ringard enfermé dans son univers est-ce vraiment que vous souhaitez ? Au non-geek, je vous dis ceci : vous qui pouvez maintenant lire ou visionner des films ou des mangas sans en rougir, qui voulez vous procurez du matériel High-tech sans passer pour un rat technophile, ayez toujours un ami ringard dans votre entourage. Celui-ci est un accessoire de mode vos permettant de briller en société. Le ringard vous briefera sur 50 ans d’histoire des comics. Vous devez choisir un téléphone ou un ordinateur ? Le ringard vous apportera une expertise et son expérience. Le ringard, un ami pour la vie.

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