DANS UN VERT D'ABSINTHE
Sans heurt, les instants se pressent au portique des souvenirs.
Les déveines malsaines charrient des vies trop longtemps oubliées
Et se gaussent du souvenir trop vivaces du temps
Dans un vert d’absinthe
Où nul ne se rappelle
Et où pourtant chacun se souvient.
A l’aube de nos cils las
Charybde guette, confiante en ses appétits charmants;
La noblesse sera attirée dans ses griffes et le royaume englouti
Dans un vert d’absinthe dont nul ne réchappe
Et dont pourtant chacun s’enivre.
A minuit, au zénith de nos peurs,
Lorsque la lumière fait resplendir nos ténèbres,
Que nos âmes sont éclipsées par nos masques,
Nous nous confondons en mille excuses pour cacher nos vertus éclairées
Dans un vert d’absinthe où nul ne se dissimule
Mais où tous restent anonymes.
Alphée fleuve attristé,
Noie son chagrin dans son lit.
O combien la peine est grande a l’égard du châtiment,
De ces illusions si vraies,
Du bon grain de l’ivraie:
Mais qui sait le trier?
Nos regards mouillées, peut être,
Dans un vert d’absinthe qui révèle la vérité
Mais où le mensonge est la seule réalité?
O Orphéo axis mundi,
Amant de la mort,
Inconsolable perte ,
Le monde tourne autant que ta tête roulant
Dans un vert d’absinthe où ne se trouve que l’enfer
Et qui pourtant nous fait entrevoir le paradis.
Solitude je bois a ta santé!
Le goût de fer sur ma langue révèle tes senteurs sucrées.
Le dégoût des autres me fait plus apprécié tes rondeurs acérées.
Je ne saurais dire «je te hais» si je ne t’avais trouvé
Dans un vert d’absinthe où ma langue s’est déliée
Mais où mon cœur s’est fermé.
Le sens inodore et incolore
Mélangé à ma quête de sang m’a conduit vers tes abîmes
Où je me suis jeté tel un ange pour dévorer les racines du monde.
Hélas je n’y ai trouvé que des plantes anisées
Croissant en nombre dans des cœurs tamisés
Et des esprits glorieux enterrés pour y être dévorés,
Dans un vert d’absinthe auquel chacun succombe
Mais dont nul ne voudrait s’échapper.
Mourir à vie pour renaître a jamais,
Lorsque les lucioles se posent sur vous
Et dire ces mots noyés naufragés par cette fausse lumière,
Un espoir offert à de biens pauvres phalènes.
Voici la récompense des Euménides rassasiées de nos douleurs
Et tardant à offrir leurs douceurs:
Trouver la véritable clarté et te dire cet amour inespéré
Dans un vert d’absinthe où je me suis isolé
Mais où je t’ai trouvé.
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