Par-delà le songe

Il était une fois deux rives, un songe, une réalité. La réalité était devenue le songe. La grisaille était sur le monde tel un serpent affamé dévorant petit à petit les racines de la vie. ELLE est née et a vécu dans une ville de ce siècle. Un malheur que seul le ciel peut infliger lui ôta la vue, la privant de toute lumière, errante dans l’obscurité. ELLE décida de faire de sa vie un sacerdoce, au service de ceux dont le cœur pleure en silence.

Un jour comme tant d’autres, tandis qu’ELLE laissait ses doigts glisser sur les pages d’un livre, s’assoupissant au fur et à mesure dans son jardin, ELLE entendit un triste son, une complainte à peine audible venant d’un buisson proche. ELLE se dirigea vers ces cris plaintifs et vit entre les branches un Petit Canard qui couvrait sa tête de ses maigres plumes. Tendrement ELLE le prit dans ses mains et lui demanda :

« Pourquoi es tu si triste Petit Canard ? »

Le Petit Canard lui répondit par des piaillements qu’ELLE su entendre. Il avait de la peine à trouver la voix du Prince du Ciel. Celui-ci devait naître flamboyant mais avait perdu sa voix. Lui qui devait régner sur le ciel était resté soumis à la terre. Le Petit Canard arpentait le monde pour libérer cette symphonie vocale que nul n’avait jamais entendu. Alors ELLE lui dit :

« Je connais cette voix. Depuis que la cécité m’a frappé, je ressens un appel obsédant qui fait vibrer mon âme. Cette voix qui m’a soutenu, serait il possible que se soit l’objet de ta quête ? Je dois savoir à qui cette mélodie des âmes appartient. Marchons ensemble pour soigner le Prince du Ciel. Tu me guideras sur la route et je te guiderai dans ta quête. »

A peine eut elle prononcé ces mots que le canard poussa des piaillements de joie. Il ne savait s’exprimer différemment. Elle fit ses valises en prévision du grand voyage et ils partirent ensembles, du septentrion aux terres du midi, jusqu’à la mer. ELLE sentait que la voix du Prince du Ciel l’appelait d’un endroit au-delà des mers et des rivages. Le Petit Canard lui apprit qu’il existait une île où l’impossible devient possible, un lieu nommé l’île où les rois se reposent. Arrivée au port, ELLE demanda à tous les marins où ils pourraient trouver un bateau pour les mener sur l’île où les rois se reposent. Mais tous se moquèrent d’eux. Ils ne voyaient, il est vrai, qu’une aveugle tenant un Petit Canard dans ses mains. Ils finirent par tomber sur un vieillard édenté qui n’avait qu’un œil, encapuchonné dans un grand ciré jaune. Il leur dit :

« Je peux vous louer ma barque pour une pièce. Vous pourrez ensuite ramer jusqu’à l’île où les rois se reposent »

Reconnaissante, ELLE lui donna volontiers une pièce, mit ses bagages dans ce navire providentiel, posa doucement le Petit Canard, saisit les avirons et quitta le port. ELLE rama pendant des heures jusqu’à ce que le Petit Canard ne puisse plus voir la terre. Les heures passèrent avec les nuages. Le Petit Canard s’était endormi sur les genoux de la rameuse. Il ne pouvait voir ce qui se profilait, il ne put prévenir sa nouvelle amie. Un tourbillon furieux engloutit la barque et ses occupants. Ils firent immergés, submergés, le haut et le bas étaient semblables, la mer devint le ciel. Pris par l’ivresse des profondeurs ils perdirent connaissance.

ELLE se réveilla sur une plage de sable fin, alertée par les piaillements angoissés du Petit Canard. ELLE demanda :

« Pourquoi te lamentes tu ? »

Le Petit Canard répondit que dans le naufrage toutes les valises avaient disparu, que c’état de sa faute, qu’il n’aurait pas du s’endormir… ELLE reprit le Petit Canard dans ses mains, le serra contre sa poitrine pour le réchauffer et lui dit avec tendresse :

« Pourquoi te lamentes tu ?! Tu devrais au contraire rire avec moi puisque je pourrais maintenant voyager plus librement, d’un pas plus léger. »

Le Petit Canard riait avec ELLE et se dit qu’il avait eu beaucoup de chances de la rencontrer. Pendant ce temps, un vieillard édenté qui n’avait qu’un œil, encapuchonné dans une grande tunique noire, tirait la barque sur la plage. Le Petit Canard décrit la scène puis le décor à son amie. De plage, il s’agissait en fait d’une crique. Devant eux se trouvait une gigantesque forêt. Au-delà de celle-ci, des montagnes dont les pics se perdaient se perdaient dans les nuages. Un château à l’orée occidental semblait déchirer l’espace féerique. Entre les naufragés et la forêt se trouvait un gros champignon sur lequel siégeait une grande chenille fumant son houka et qui les regardait d’un air narquois. ELLE lui demanda :

« Où sommes nous ? »

« Sur l’île où les rois se reposent, terre d’infini et d’impossible »

Ainsi répondit la chenille sur un ton sarcastique

« Pourquoi se reposent ils ? »

Voulut ELLE savoir

« Ils attendent le retour du Prince du Ciel. Viens tu chercher sa voix ? Sache que beaucoup ont tenté et tous ont échoué, perdus dans la forêt sans vie, les montagnes sans pics, les rivières sans fond, les demeures sans âmes. Tous avaient senti l’appel du Prince du Ciel »

ELLE sourit et demanda à la chenille :

« Puis je entrer ? »

« A guise. »

Ricana la chenille.

Afin d’accéder à sa requête, il tira une bouffée de son houka, souffla la fumée qui devint un chemin s’enfonçant dans la forêt puis rajouta :

« Suivez le sentier des brumes jusqu’à l’objet de votre quête. Soyez vos guides »

ELLE et le Petit Canard s’enfoncèrent dans la forêt non sans avoir remercier la chenille dont le regard s’était déjà perdu au-delà de la mer.

Ils marchèrent ensembles sur le sentier des brumes. ELLE entendit au loin les clapotis de l’eau. Le Petit Canard lui apprit qu’il s’agissait de la rivière aux sirènes. Il connaissait bien cette île pour y avoir toujours vécu avant son départ sur les routes de sa quête. Cette rivière était la seule chose audible dans cette forêt où nul oiseau ne chantait. Où nul n’était là pour écouter les oiseaux chanter. Soudain ils entendirent une voix bestiale hurler :

« Silence ! Silence petites péronnelles ou je vous dévore toutes ! »

Plus loin, un buisson de roses chantait à tue tête :

« Promenons nous dans les bois

Pendant que le loup n’y est pas

Si le loup y était

Il nous mangerait

Mais comme il n’y est pas

Il ne nous mangera pas »

Ces roses répétaient en canon cette chanson. Le Petit Canard reconnut dans cette bête crachant sa colère et sa frustration le Grand Méchant Loup. Alors ELLE s’approcha de celui-ci sans crainte, lui caressa l’encolure et lui demanda :

« Grand Méchant Loup, d’où te vient cette colère ? Pourquoi hurles tu ainsi à la mort ? »

Le Grand Méchant Loup de lui répondre :

« Le Petit Chaperon Rouge a peur de moi depuis que j’ai dévoré sa mère-grand. Elle ne veut pas de moi et je la comprends. Mais l’histoire ne devait pas être écrite ainsi. Que dire de ce buisson de roses qui me rappellent chaque jour que les écrivains font que je ne peux accéder à ma raison d’être. Sans le Petit Chaperon Rouge je n’existe plus. »

Au sortir de cette confession, ELLE entendit des sanglots venus de l’autre rive. Le Petit Canard lui révéla que ces larmes étaient celles du Petit Chaperon Rouge. ELLE haussa le ton pour couvrir le tumulte des flots et demanda :

« Pourquoi pleures tu Petit Chaperon Rouge ? »

« J’ai peur du Grand Méchant Loup et cela le blesse. D’ailleurs il n’est pas réellement méchant, c’est juste sa nature. Je voudrais le rejoindre pour écrire notre histoire mais je ne sais pas comment faire. »

ELLE apprit par le Petit Canard qu’un pont reliait les deux rives. Sachant cela ELLE dit au Grand Méchant Loup et au Petit Chaperon Rouge :

« Seul un pont vous sépare. Il subit la charge du torrent à chaque instant mais continue à se dresser au milieu des flots. Traversez le et écrivez ensembles votre histoire. »

C’est ainsi que purent se retrouver dans la joie le Grand Méchant Loup et le Petit Chaperon Rouge. Afin de les remercier ils décidèrent de suivre dans leur quête leurs deux nouveaux amis. Le Grand Méchant Loup pour les protéger et le Petit Chaperon Rouge pour leur donner à manger.

Ω

Cette nouvelle compagnie reprit le sentier des brumes dans la gaîté. Ils étaient d’humeur légère quand soudain surgit une forme blanche qui heurta la meneuse du groupe, l’expédia au sol et finit sa course dans un arbre tandis que le Petit Canard qu’ELLE portait dans le creux des mains fut éjecté dans les airs. ELLE se releva en s’époussetant, reprit dans ses mains son ami le Petit Canard qui piaillait d’indignation. Il avait reconnu le Lapin Blanc qu’il trouvait stupide d’avoir ainsi manqué de blesser son amie dans sa course effrénée.

« Ne sois pas si prompt à la colère mon tendre compagnon, je n’ai rien. Voyons plutôt ce qu’il en est de ce Lapin Blanc »

ELLE remit sur ses pattes le Lapin Blanc encore sonné par sa collision avec l’arbre et lui demanda :

« Pourquoi es tu si pressé Lapin Blanc ? Quel diable fuis tu ainsi ? »

Le Lapin Blanc répondit en consultant sa montre à gousset :

« La reine m’attend, m’attend, c’est urgent, urgent, si je ne suis pas là à temps, à temps, je serai décapité, décapité, la reine a promis, promis, que si je n’étais pas à l’heure, à l’heure, je finirai en civet, civet, alors que je déteste la moutarde ! »

Cette argutie si sérieuse provoqua l’hilarité générale. Amusée ELLE demanda au Lapin Blanc :

« Qu’as-tu à faire de si spécifique pour que ta vie soit en jeu ? Quelle tache chevaleresque t’attend ? Quel dragon féroce dois tu pourfendre ? »

« Rien, rien, aucune, aucune, personne, personne, elle veut juste que je sois à l’heure, à l’heure, c’est tout, c’est tout. »

Plus joyeusement encore que précédemment elle reprit :

« Tu risques d’être en retard aujourd’hui mais es tu en retard pour demain ? Non ? Tu as donc le temps de visiter la forêt. De regarder le ciel et de t’arrêter pour goûter les carottes sur le chemin. »

Le Lapin Blanc réfléchit à haute voix :

« Si je cours je ne serai pas décapité. Si je prends le temps de regarder la vie à travers mon regard et non à travers ma montre je serai décapité…. Courir pour fuir la fin… ou prendre son temps pour vivre… »

Le lapin n’eut plus rien à dire et pour la remercier, il décida de rester en leur compagnie. Ainsi ils auraient l’heure selon leur volonté.

Ω

Ils décidèrent de se reposer dans une clairière traversée par le sentier des brumes afin de goûter aux galettes du Petit Chaperon Rouge. Ils mangeaient et riaient de bon cœur lorsque soudain la terre se mit à trembler et le ciel à s’obscurcir. Paniqués ils crièrent. ELLE comprit grâce au Petit Canard qu’ils avaient manqué de se faire écraser par une créature de grande taille connue sous le nom du géant au cœur qui l’est tout autant. Sorti de ses pensées par leurs imprécations il grommela un simple :

« Je m’excuse »

ELLE voulut savoir

.

« Quelles pensées pouvaient te distraire suffisamment au point de risquer de nous écraser ? »

Le géant au cœur qui l’est tout autant répondit après avoir cherché ses mots :

« J’aime une Petite Géante mais son cœur n’arrive pas à me voir. Je ne sais pas comment faire pour attirer son attention. »

Touchée par son histoire, ELLE émit le souhait de l’aider. Lorsqu’ELLE sut où trouver la Petite Géante, ELLE s’y rendit avec le Petit Canard, laissant ses autres compagnons consoler le géant au cœur qui l’est tout autant. Hasard ou destinée, la Petite Géante se trouvait un peu plus loin sur le sentier des brumes. Le Petit Canard vit la Petite Géante assise à l’ombre d’un séquoia, la tête entre les mains, le regard perdu dans une vision inaccessible. ELLE fit sortir la Petite Géante de sa contemplation.

« Pourquoi n’es tu pas amoureuse du géant au cœur qui l’est tout autant ? Vous feriez pourtant un gentil gigantesque couple. »

La Petite Géante, qui n’avait ressenti une voix comme la sienne depuis longtemps, se confia :

« J’aimerai l’aimer mais mon cœur est si brisé que je ne sais comment faire »

ELLE la gronda gentiment pour déclarer :

« Alors va le voir. Parle lui. Il saura t’attendre. »

Dubitative mais se disant qu’après tout ça valait peut être le coup d’essayer ; le Petite Géante alla voir le géant au cœur qui l’est tout autant. Ils parlèrent pendant des heures et des heures jusqu’à l’aube, au crépuscule et nouveau l’aube où le géant au cœur qui l’est tout autant partagea son cœur avec la Petite Géante qui pouvait donc aimer de nouveau. Heureux, le jeune couple rejoignit la compagnie. Le géant au cœur qui l’est tout autant pour les aider à voir au-delà des obstacles et la Petite Géante pour leur cueillir des fruits hors de leur portée.

Ω

Les arpenteurs du sentiers des brumes entendirent une mélopée se faisant mélodie céleste puis pavane infernale, alternant les émotions dans une spirale sans fin. Le groupe suivit la musique, comme hypnotisé. Le Petit Canard décrit à la pénitente qui le portait dans sa quête un homme jouant de la lyre, ayant un rocher pour seul spectateur. Un musicien au regard fou, perdu, éperdu. ELLE attendit la fin de sa complainte musicale et lui demanda :

« Pourquoi joues tu pour un rocher ? Ne devrais tu pas plutôt faire profiter le monde de ta magie ? »

Le musicien se mit à rire comme un dément.

« Je suis Orphée et je joue pour mon Eurydice. Elle fut emportée par le sommeil éternel, mordue par un serpent, mais j’ai su émouvoir Hadès pour la ramener chez les vivants. Elle aime ma musique alors je joue pour elle »

Emue, des sanglots dans la voix, ELLE lui dit :

« Ce n’est pas Eurydice mais un rocher. Celle que tu as chéri est au royaume d’Hadès. Pourtant tu l’aimes tant que son amour est toujours en toi, je le ressens. Ne te contente pas ainsi d’une illusion. Aime ta nymphe et jamais elle ne te quittera. Laisse la aller et elle ne sera plus perdue. »

Touché par ces mots sincères, Orphée joua une note sur sa lyre. Une note d’amour transcendant le temps, l’espace et le verbe. A ce son, la roche icône se mit à vibrer et vola en éclat. Le regard d’Orphée redevint aussi doux qu’au temps de son bonheur un vent léger souffla entre les feuilles des arbres et semblai murmurer :

« Merci »

Reconnaissant, Orphée les suivit pour que leur route soit jalonnée de musique.

Ω

Dansant sur le sentier des brumes, ils se dirigèrent vers l’orée de la forêt. Là, le Lapin Blanc demanda un arrêt et murmura à l’oreille du Petit Canard. ELLE voulut savoir ce qui se passait. Le Petit Canard lui expliquait qu’un homme était assis. Il faisait tremper ses pieds ensanglantés dans une mare. Le Petit Canard raconta l’histoire sans fin d’Ahasvérus, plus connu sous le nom du juif errant, condamné à marcher éternellement pour avoir refusé au fils de Dieu une place sur un banc ou se reposer durant sa route menant jusqu’au calvaire. Le Lapin Blanc supplia celle qui était devenu leur muse.

« Je t’en prie, aide le lui qui ne connaît que trop bien le temps, prisonnier de l’éternité. Aide le comme tu nous as aidé. »

Tous, le Grand Méchant Loup, le Petit Chaperon Rouge, le géant au cœur qui l’est tout autant, la Petite Géante, Orphée et le Petit Canard en tête, tous se joignirent à cette supplique. Alors elle s’approcha du marcheur éternel et demanda :

« Pourquoi veulent ils que je t’aide, toi qu’on appelle Ahasvérus le juif errant ? »

D’une voix sans âge il répondit :

« Parce que même sur l’île où les rois se reposent je n’ai pas droit à la quiétude. Je sais tout ce que tu as fait pour autres mais pour moi tu ne peux rien. C’est là ma seule faute, mon fardeau éternel. »

A la surprise générale, elle le vilipenda :

« Oui c’est de ta faute ! Il est normal que tu expies ! Quand bien même je pourrais te soulager de ta peine je ne le ferais pas ! »

Elle poursuivit à voix basse sur un ton plus doux :

«  N’as-tu rien appris ? »

Le silence se fit, laissant Ahasvérus à sa réflexion.

« J’ai vu des mondes s’élever et d’effondrer. J’ai vu disparaître ceux que j’aimais. J’en ai vu d’autres naître. Je suis leur mémoire, le réceptacle de leurs vies. A travers moi perdurent leurs enseignements. Leurs mémoires sont ma rédemption. »

En remerciement il devint leur scribe et leur conteur.

Ω

Ils sortirent de la forêt et suivirent le sentier des brumes, traversant plaines et collines, collines et champs, champs et plaines. ELLE marchait tenant le Petit Canard dans ses mains. Tous ses amis la suivaient, se donnant du courage grâce aux histoires d’Ahasvérus illustrées par la musique d’Orphée. Ils arrivèrent devant un château. ELLE apprit que le Petit Canard y était né. Le Lapin Blanc, tremblant, leur dit :

« C’est ici, ici, que vit ma reine, ma reine, on appelle cet endroit, endroit, le château sans âme, sans âme ! »

Sentant le désespoir du Petit Canard face à cette révélation ELLE demanda au Lapin Blanc :

« Quel funeste sort a frappé cette demeure royale ? »

Celui-ci lui répondit terrifié :

« Depuis le départ du prince, du prince, la reine de cœur, de cœur, est devenue la reine de pique, de pique, qui veut me décapiter, décapiter, et tous ceux qui l’ennuient, qui l’ennuient. »

Du haut d’un donjon, attirée par les bruits brisant le silence de sa demeure, la reine de pique regarda les intrus et hurla un tonitruant :

« Décapitez les ! »

Le Petit Canard sauta des mains de son amie et se fit voir de la reine. Celle-ci eut les larmes aux yeux et envoya des baisers à son enfant puis déclara :

« C’est donc ELLE qui t’a enlevé à moi ? Je la ferai décapiter pour nous avoir séparer. »

ELLE rétorqua avec tendresse.

« Je porte votre fils qui revient à vous plein d’amour et entouré d’amis. »

Voyant qu’ELLE disait vrai, la reine de pique redevint la reine de cœur et dit :

« Je retrouve mon fils et je gagne une fille. Je passerai ma vie à faire de ce château un lieu où les rires seront éternels et les fêtes sans fin. »

Ne pouvant accompagner la compagnie dans son périple, elle offrit des cadeaux à chacun de ses membres. La reine de cœur fit célébrer l’union du géant au cœur qui l’et tout autant et de la Petite Géante ; fit remplir le panier du Petit Chaperon Rouge avec la meilleure nourriture du royaume et brosser la fourrure du Grand Méchant Loup ; offrit une nouvelle lyre à Orphée et des chaussures neuves au juif errant. La reine de cœur dit au Petit Canard et à sa nouvelle fille :

« Je ne peux rien vous offrir que vous n’ayez déjà si ce n’est ma bénédiction. »

Au moment du départ, la reine les serra tous deux sur son cœur. Discrètement, le monarque redevenu éclairé promit au lapin blanc de jeter aux ordures tous les pots de moutarde du royaume.

Ω

Les brumes les menèrent vers les montagnes aux pics cachés par les nuages. Ils gravirent les pentes rocailleuses pendant des jours jusqu’à ce que le Petit Canard demande à faire une halte une fois qu’ils arrivèrent devant une grotte. ELLE apprit qu’au fond de cette grotte se trouvait le Loup d’Obsidienne à la Croix Blanche sur le Front. Le Petit Canard voulait lui raconter ses aventures et lui demander des conseils. Ils s’enfoncèrent dans l’obscurité. Le Petit Canard expliqua que le Loup d’Obsidienne à la Croix Blanche sur le Front avait une patte prise dans un piège et qu’a chaque fois qu’il venait le voir, il essayait de dégager la patte de son ami. Il était d’après lui trop petit pour réussir. Arrivé devant le Loup d’Obsidienne à la Croix Blanche sur le Front, le Petit Canard piailla de joie e courut vers lui. Tandis qu’il tentait de nouveau de le libérer, il lui racontait son périple el réclamant son avis. Sans prévenir, le Loup d’Obsidienne à la Croix Blanche sur le Front lui expédia un coup de patte qui l’envoya valdinguer et déclara d’une voix tonitruante :

« Hors d’ici incapable ! Ce n’est pas à moi de t’écouter et de t’enseigner ce que tu dois apprendre ! »

Blessé, choqué le Petit Canard courut vers la sortie, suivi de ses amis qui voulaient le consoler. ELLE resta et demanda :

« Pourquoi as-tu été si méchant avec lui ? »

Un silence pesant s’installa. Après un instant qui semblait ne jamais connaître de fin, le Loup d’Obsidienne à la Croix Blanche sur le Front gronda :

« Il doit trouver sa propre voie, fonder sa propre meute. Sans cela il n’aurait jamais pu poursuivre sans cesser de se retourner. »

ELLE comprit et demanda ensuite :

« Puis je soulager ta patte ? »

Le loup d’obsidienne à la crois blanche sur le front de répondre :

« Tu le pourrais. Mais je refuse. Tu ne peux tous les sauver. »

ELLE posa une dernière question :

« Pourquoi restes tu dans ce piège à loup ? Tu es pourtant assez fort pour t’en débarrasser ?! »

Le Loup d’Obsidienne à la Croix Blanche sur le Front répondit :

« J’apprends »

De nouveau le silence

« Je te le confie. Un jour il comprendra. »

ELLE rejoignit le groupe non sans promettre de garder le silence sur ce qu’ils venaient de se dire.

Ω

Le sentier des brumes s’arrêta devant un lac. Il faisait nuit et ELLE fut troublée car ELLE aperçut au fond du lac deux pierres de jade qui étaient comme ses yeux d’avant. La seule chose qu’elle pouvait voir depuis des années. ELLE tenta de les toucher mais ils se dérobèrent sous ses doigts, ne laissant que l’eau et les larmes. Devant sa détresse, tous voulurent les pêcher pour ELLE. Le Grand Méchant Loup essaya à coup de griffes de forcer les yeux de jade à sortir du lac. Le Petit Chaperon Rouge se servit de son panier comme d’une épuisette. Le Lapin Blanc proposait d’attendre que le lac s’assèche mais ne savait pas combien de temps cela prendrait. Le géant au cœur qui l’est tout autant et la Petite Géante essayèrent de vider le lac en en buvant le plus possible. Orphée joua de la lyre pour attirer ces deux orbes vertes. Ahasvérus chercha dans ses innombrables histoires une solution. Rien n’y fit. Le Petit Canard essayait pour sa part de la consoler. Un rire sardonique retentit. C’était celui de la chenille créatrice du sentier des brumes. ELLE se lamenta.

« Pourquoi ne m’as-tu pas dit que je trouverais mes yeux sur l’île où les rois se reposent ? Pourquoi ce vilain tour ? »

La chenille riait de plus belle.

« Tu ne me l’as pas demandé. Mais je viens avec un cadeau. Frotte cette lampe et un génie exauceur de vœux t’apparaîtra.»

ELLE prit la lampe, la frotta et dans un nuage de fumée apparut le génie.

« Je t’accorde un vœu, un seul. Mais attention, je ne peux offrir l’impossibilité où ce que vous possédez déjà. »

ELLE réfléchit. ELLE souhaitait retrouver la vue mais ELLE était venue pour aider le Petit Canard à retrouver la voix du Prince du Ciel. ELLE dit alors :

« Je souhaite que nous trouvions tous deux, le Petit Canard et moi, l’objet de nos quêtes respectives. »

Le génie hocha tristement la tête et déclara dans un murmure :

« Je vous avais bien dit de faire attention. Vous avez gâché votre vœu. »

Et il disparut aussi vite qu’il était apparu. La chenille se mit de nouveau à rire et à l’aide son houka forma la suite du sentier des brumes.

Ω

La mort dans l’âme, ils continuèrent leur vagabondage dans un silence glacé. Au bout d’un moment, ils virent un aigle tournoyer au dessus d’une forme titanesque crucifiée sur la montagne. En dépit de son ventre ouvert au niveau du foie, la créature riait. Morose, ELLE lui demanda en s’approchant :

« Pourquoi ris tu titan alors que tu souffres ? »

Le titan répondit joyeusement :

« Je suis Prométhée et pour avoir défier les dieux, chaque jour l’aigle de Zeus vient m’arracher le foie. »

Interloquée, ELLE reposa la question.

« Pourquoi ris tu alors ?! »

« Parce que grâce à moi les hommes sont libres. Du haut de la montagne je les contemple. Je leur ai offert le feu sacré et nul ne peut leur ôter. J’ai eu ce que je voulais alors pourquoi devrais je pleurer ? »

Ces paroles libérèrent l’espoir prisonnier au fond de leur cœur. Pour remercier Prométhée, ils lui promirent de ne jamais perdre la foi.

Ω

Le sentier des brumes s’enfonçait dans les nuages occultant les cimes des montagnes. La compagnie se retrouva au milieu des brumes. Perdus, cherchant leur route, ils virent un roi blessé au flanc droit, assis sur un trône d’étoiles. Il s’adressa à celle qui était devenu l’âme du groupe :

« Je connais ta quête et t’offre la réponse. De chaque coté de mon trône se trouve un miroir. Disperse l’illusion, trouve la vérité et choisis ton miroir »

ELLE sourit, brisa les deux miroirs et porta le Petit Canard à hauteur de son visage. ELLE murmura ces simples mots :

« Je t’aime. »

Le Petit Canard répéta en écho :

« Je t’aime toi qui m’a porté et a parlé pour moi tout ce chemin. Tu fus, tu es et tu seras ma voix. »

Sur ces mots enfin prononcés, le Petit Canard devint un splendide oiseau d’émeraude portant le ciel sur son plumage. Ses yeux de jade brûlaient comme deux soleils verts et son chant s’éleva sur l’île. Les oiseaux se réveillèrent et leurs chants se joignirent à celui du Prince du Ciel, emplissant la plage, la forêt, le château et les montagnes. ELLE dit :

« Tu fus mes yeux dans l’obscurité. Tu as dissipé les ténèbres. »

A ces mots, comme par miracle, le voile sur ses yeux se déchira et ELLE connut enfin la joie de voir les merveilles du monde. Leurs regards étaient un. Leurs voix étaient une.

Ω

Ils redescendirent de la montagne, s’arrêtant au château pour célébrer la réussite de leur quête. Ils s’aperçurent que le sentier des brumes était devenue une véritable route que chacun pourrait emprunter à son tour. Mais ELLE devait repartir dans son monde natal. Le Prince du Ciel ne pouvait se résoudre à la quitter. Il décida donc de l’accompagner. Sur la plage où ils arrivèrent en naufragés, ils reprirent la barque qu’ils avaient empruntés, ensembles. La chenille était devenue un papillon de lumière pour les guider sur les flots. Mais au large de l’île où les rois se reposent, devenue l’île des rois, ELLE s’aperçut qu’ils étaient partis sans tous leurs amis restés sur la plage. ELLE voulut revenir les chercher mais un tourbillon les emporta, le Prince du Ciel et ELLE dans les profondeurs des passions. Corps, âmes, esprits sombrant avec délicatesse. A son réveil, le Prince du Ciel était toujours à ses côtés. ELLE était de retour dans ce monde qui ne connaissait que la pluie et la grisaille ELLE tenait un œuf dans ses bras. Celui-ci éclot et une adorable enfant apparut telle une Hélène moderne, fille de Zeus et de Léda. Le petit bébé qui était issu d’ELLE et du Prince du Ciel se mit à rire et le ciel s’ouvrit pour laisser passer le soleil qui rayonnerait de nouveau pour les hommes et les femmes de ce monde. ELLE comprit alors que tous, le Grand Méchant Loup, le Petit Chaperon Rouge, le Lapin Blanc, le Géant au Cœur qui l’est Tout Autant, la Petite Géante, Orphée, Ahasvérus le juif errant, la reine de cœur, le Loup d’Obsidienne à la Croix Blanche sur le Front, Prométhée, le Roi, la chenille devenue papillon, le génie, tous ses amis continueraient à veiller sur ELLE, le Prince du Ciel et leur enfant.

Il était une fois deux rives qui n’en étaient qu’une. Un songe qui devint réalité. Une enfant qui soumit le temps à travers l’éternité d’un rire.

FIN

COMMENCEMENT

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