Faites entrer l'Odyssée: 2ème partie
Suite de la première partie parce que c’est la deuxième (previously, on « Faites entrer l’Odyssée… »)
Christian Vagueplate : Le début du voyage se déroule sans encombre, vous naviguez sous un beau ciel que l’on dit bleu. Vous faites escale sur une ile montagneuse afin de vous reposer un peu et récupérer quelques vivres. Entendant les bruits caractéristiques d’un troupeau, vous vous dirigez vers une montagne, prêt à négocier avec le propriétaire. Mais vous ignoriez que c’est ici qu’allait véritablement débuter votre folle épopée.Ulysse : Ouaip
Christian Vagueplate : Vous arrivez dans une grotte gigantesque, et à ce moment là, une ombre d’une taille surhumaine vous cache le soleil : vous découvrez celui qui changera à jamais votre vie, celui que l’on dit grand, barbare, celui dont on dit qu’il n’a qu’un œil ; le cyclope, de son nom, Polyphème. L’histoire dit qu’en vous voyant, il s’est saisi d’un des membres de votre équipage pour n’en faire qu’une bouchée ! Puis est reparti en posant une pierre colossale devant la porte ! Vous étiez pris au piège !
Ulysse : Ouaip !
Christian Vagueplate : En entendant parler du tournage de cette émission, Polyphème a pris contact avec nous pour apporter sa vérité. Voici les images de cet entretien exclusif.
Christian Vagueplate : Polyphème, bonjour, et merci…
Polyphème :Ta gueule. Christian Vagueplate : Plait-il ?! Polyphème : Ouais ; ben, je vous connais vous les journaleux ! Des questions connes et ensuite mes réponses seront coupées pour être remontées, alors je te dis que ce qu’ai à dire, et éventuellement je réponds à tes questions à la con ! Capicce ?! Christian Vagueplate : … D’accord… Polyphème : C’est bien mon petit, au moins tu comprends vite. Je te fais le topo : après une dure journée de travail, je rentre chez moi, et franchement, j’ai la dalle. J’arrive, et je vois de la bouffe par terre, alors moi, je fais quoi ? Je mange ! Christian Vagueplate : Mais c’était des humains… Polyphème : Il me semblait t’avoir dit de fermer ta gueule ? En plus, tu es français ? Tu bouffes des grenouilles et des escargots ? Quand on t’en sert au restaurant, tu ne te barres pas en faisant des « houlala ! Mon dieu ! Hou! Hou! Hou!» Non ?! Ta gueule ! Ne réponds pas ! Christian Vagueplate : … Polyphème : En plus, moi, j’aime pas ça manger des humains. Me regarde pas avec ces yeux de merlans frits ! À part dans mon histoire, tu as déjà entendu parler de cyclopes bouffeurs d’humains ?! Et ben non ! Christian Vagueplate : … Polyphème : Je suis un cyclope, tu as remarqué je pense ? Alors je n’ai qu’un œil : comment veux-tu qu’avec un seul œil je fasse la différence entre des humains minuscules et un gros gigot ?! Si j’avais su que c’était des bipèdes je n’aurais pas croqué dedans ! Alors on va me dire : « oui, mais tu les as enfermé dans ta grotte, tu t’es fait ton garde-manger… » Oui mais rien du tout ! Quand j’ai fini par comprendre que c’était des hommes, je les ai laissé dans la grotte pour qu’ils se reposent. Et puis j’avais pas envie qu’ils se cassent avant que me puisse me faire pardonner. Donc le soir, je rentre, et je vois tout le groupe qui a préparé un festin et un spectacle de danse. Je me dis « c’est cool, on a fait la paix ». On se marre bien entre potes et je m’endors. Et tu sais ce qu’ils ont fait ces enfoirés ? Ils m’ont planté l’œil ! Et ils se sont tous planqués ensuite ! T’imagines bien que j’étais pas d’humeur à jouer à cache-cache ! Je gueule tellement fort que mes voisins me demandent ce qui se passe. Moi, je dis que c’est Personne qui m’a fait ça puisque c’est le nom qu’il m’avait donné, et là, on voit qui sont les amis; je les retiens ! Ils se foutent de ma gueule ! Mais bon, vu que j’étais bourré, je me suis recouché… Le matin, je vais pour faire sortir mon troupeau, je vérifie qu’il n’y a aucun singe évolué qui tente de s’enfuir. Plus tard, j’entends cette espèce d’enfoiré d’Ulysse qui me nargue ! C’est ça qui s’est passé ! Christian Vagueplate : Puis-je poser une question ? Polyphème : Fais-toi plaisir. Christian Vagueplate : Suite à la vantardise d’Ulysse, vous en avez appelé Poséidon votre père pour qu’il soit châtié. Mais quand est-il de la plainte que vous aviez déposée pour coups et blessures ? Polyphème : Je ne vois pas de quoi tu parles, petit homme. Christian Vagueplate : J’ai ici le document. Regardez, je crois que c’est votre déposition. Vous avez au départ porté plainte mais, vous avez fini par vous rétracter. Pourquoi ? Polyphème : … Christian Vagueplate : Un témoin dit que vous n’osiez pas aller jusqu’au bout, car Ulysse vous menaçait de révéler des détails de la soirée. On dit que vous avez fini la nuit avec quelques danseuses qui était en fait des marins déguisés ; et que des gravures auraient été faites de ces instants ollé-ollé. De fait, plutôt que de risquer que cette histoire soit dévoilée, vous avez préféré faire appel à votre père… Polyphème : Non mais tu me prends pour qui ?! Je ne suis pas une tafiole grecque moi ! Je suis un sicilien ! Jamais je n’ai couché avec ces danseurs même s’ils étaient mignons ! Christian Vagueplate : Pourtant, j’ai ici une des gravures… Polyphème : L’entretien est terminé ! |
Christian Vagueplate: Comme vous voyez Ulysse, vous n’avez pas laissé que de bons souvenirs. Toutefois, suite à cela, et pour se faire pardonner son attitude, Polyphème m’a envoyé un bouquet de fleurs, une boite de « mon chéri », une bourriche d’huitres et une bouteille de champagne…
Ulysse : Ouaip…
Christian Vagueplate: pour en revenir à votre histoire ; vous vous étiez présenté comme étant « Personne », ce qui était une idée de Génie ! Mais pourtant, vous n’avez pu vous empêcher de fanfaronner en révélant votre véritable identité, alors que vous auriez pu vous en sortir sans séquelle; exceptés pour les fondements de ceux qui ont joué les danseuses… Peut-on dire que c’est à cause de cette bêtise que vous avez souffert pour rentrer et que tous les membres de votre équipage sont morts ?
Ulysse : Ouaip.
Christian Vagueplate: J’ai fait référence dans l’interview à un témoin. Celui-ci a accepté de nous répondre. Il s’agit d’une des brebis de Polyphème que vous avez intimement connu. Préférant conserver son anonymat, nous avons flouté son visage et nous l’appellerons Amalthée. Elle nous apportera un éclairage supplémentaire sur votre personnalité.
Christian Vagueplate : Amalthée, bonjour. Je sais que vous risquez beaucoup alors je vous remercie d’autant plus d’accepter de témoigner.
Amalthée : Béhéhéééééé Christian Vagueplate : Comment ça « Béhéhééé » ? Qu’est ce que c’est que cette histoire ? Vous étiez au courant à la production ? Non ? Bon… On va faire avec… Alors Amalthée, vous êtes l’une des brebis du cyclope Polyphème. Pour que l’on comprenne bien votre rôle dans cette tragédie, et nous parlerons après de votre tragédie personnelle, je vais résumer pour nos téléspectateurs. Amalthée : Béhééhééééééé Christian Vagueplate : Je n’en peux plus… Afin de pouvoir se cacher après avoir crevé l’œil du cyclope, et pour pouvoir ressortir de la grotte sans se faire remarquer, Ulysse et ses hommes se sont agrippés chacun sous le ventre d’une brebis. Ainsi, le cyclope vérifiant la sortie de sa grotte n’aurait senti que vos laines soyeuse. C’est donc grâce à vous qu’ils ont pu sortir vivants de cette épreuve. Toutefois, vous avez ressenti le besoin de révéler d’autres éléments. Amalthée : Béhéhéhéhéhééé Christian Vagueplate : Faut que je rappelle mon dealer… Vous avez tenu à dire la vérité car vous avez été meurtrie dans votre chair. C’est vous qui avez porté Ulysse durant sa fuite, mais les choses ont dégénéré : le contact, la promiscuité naissante, même furtive, ont changé le comportement de cet être mythique tandis qu’il vous agrippait. Vous avez déclaré au juge des affaires familiales : « il m’a fait des choses dans la laine ». Je parle de juge des affaires familiales, car depuis des années se déroule un procès pour une reconnaissance en paternité… Amalthée : Béhhéhéhééhhééééhhhhéé Christian Vagueplate : Merci pour ce témoignage poignant… Je vais me taper un méchoui… |
Christian Vagueplate : Alors Ulysse, j’ai appris qu’il y a peu que celle que nous avons appelé Amalthée a demandé des tests ADN. Obstinément, vous refusez de vous y soumettre. Est-ce par crainte que votre paternité soit prouvée ?
Ulysse : Ouaip.
Christian Vagueplate : …
Ulysse : Ouaip…
Christian Vagueplate : … je crois qu’on a touché le fond…
Ulysse : Ouaip…
Christian Vagueplate : … J’aimerais que nous parlions un peu de votre rapport aux femmes. Pénélope, votre épouse, vous est restée fidèle ; vous par contre, avez manifestement eu de nombreuses aventures. Une est avérée avec Circé que vous aviez menacé de votre arme. Pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité dans mes propos, il faut préciser que vous veniez sauver vos compagnons changés en porcs par ses sortilèges ; mais vous avez quand même vécu avec elle quelques années. Il y eu Nausicaa, et certains disent même sa mère. Encore une longue période de concubinage. L’histoire retient que pendant des années, Calypso vous a retenu prisonnier, mais vous avez toujours refusé de l’épouser. Du moins c’est ce que vous avez raconté lorsque la question vous a été posée. Certains serviteurs de l’époque prétendent que c’est vous qui lui aviez promis de quitter votre femme. Cela dit, je n’ai aucune preuve que ceci soit vrai. Toutefois, une source préférant rester anonyme, l’aigle de Zeus pour ne pas le nommer, m’a révélé ce qu’aurait dit Athéna à Hermès. Ce dernier n’aurait pas été envoyé à Nausicaa pour la convaincre de vous libérer, mais pour faire passer comme message à la nymphe : « laisse tomber ce boulet, il ne quittera jamais sa femme. Il en a eu beaucoup d’autres comme ça ». Je finirai sur les sirènes : Tous les membres de l’équipage ont reçu l’ordre de se boucher les oreilles pour ne pas succomber à leurs charmes. Vous par contre, avez insisté pour être attaché au mât pour profiter du spectacle. Vous auriez hurlé pendant toute cette séance : « Sans les mains ! Sans les mains ! » Je préfère taire la liste de vos enfants supposés… Vous êtes conscient de l’image que vous véhiculez ? Aucun remord ?
Ulysse : Ouaip
Christian Vagueplate : Bon… Il y a évènement, anodin en apparence, sur lequel je préférais passer ; mais d’un coup, il me semble intéressant pour comprendre qui vous êtes. Bien avant l’histoire du cyclope, vous aviez accosté sur l’île des Lotophages. Tous ceux mangeant des graines de loto, la plante locale, perdaient toute envie de repartir. L’histoire retient que c’est vous qui avez arraché à la contemplation béate votre équipage. Toutefois, en préparant cette émission, nous avons reçu de nombreux témoignages disant que vous étiez le plus défoncé de tous, et que c’est lorsqu’on vous a envoyé la note pour votre consommation que vous avez filé. J’imagine que ça aussi c’est vrai ?
Ulysse : Ouaip.
Christian Vagueplate : Grâce à Éole, vous avez eu la chance de rentrer, mais elle fut gâchée. Au point où en est, on peut raconter les véritables évènements, je pense?
Ulysse: Ouaip.
Christian Vagueplate : Vous avez accosté sur son île, où vous avez été très bien accueilli. Eole vous a soigné, nourri gracieusement pendant un mois, puis plein de compassion, vous a filé un coup de pouce. De par son statut de maître des vents, il vous a confié au bon soin de Zéphyr pour que celui-ci vous ramène chez vous. Il est allé jusqu’à enfermer les autres vents dans une bourse afin qu’ils ne vous fassent pas dévier de votre route. Il vous a même confié cette bourse, en vous prévenant toutefois de ne jamais l’ouvrir. L’histoire dit qu’au bout de quelques jours, vous vous êtes endormi, et que votre équipage en a profité. Jaloux de vous, et convaincu que vous cachiez un trésor, ils ont ouvert la bourse et relâchés tous les vents furieux. C’est l’histoire officielle. Nous avons contacté Borée, le vent du nord. Celui-ci ne veut plus entendre parler de vous et ne souhaitait pas être filmé. Toutefois il nous appris la vérité: au bout de quelques jours, vous auriez trouvé comique de péter dans un sac de vent, ce qui a provoqué la catastrophe… Attendez ! ça vous fait rire ?!
Ulysse: Ouaip !!!
Christian Vagueplate : Je pense que le portrait qui se dessine est assez précis. Je crois qu’on en a assez, non ? Je vais me permettre de raccourcir un peu et de faire des impasses sur Charybde et Scylla et votre descente aux enfers pour aller à l’essentiel : votre retour à Ithaque… Alleluia… À ce niveau là, il faut le dire, vous êtes devenu un pouilleux. Vous n’avez plus d’ami, plus d’équipage, plus d’arme, rien à manger et vous êtes en haillon. Bref, vous arrivez à Ithaque, vous vous faites reconnaitre de Télémaque qui est devenu un grand garçon puis de votre nourrice Euryclée qui a su reconnaître la cicatrice datant de la chasse au sanglier de Calydon. Si je vous demande s’il était bien raisonnable de téter le sein de votre vieille nourrice à ce moment là, vous répondrez par un « ouaip » ?
Ulysse : Ouaip.
Christian Vagueplate : Comme c’est étrange… Bon, ce n’est pas que je m’ennuie avec vous, mais je commence à désespérer alors on va conclure. Vous êtes à Ithaque, vous êtes reconnu par vos proches. Votre femme que vous n’avez pas arrêté de tromper repousse depuis des années tous les prétendants. Pour faire le ménage, vous organisez un concours : vous seul étant capable de bander l’arc qui était resté dans le palais, vous proposez que le mari de pénélope soit celui qui réussira à s’en servir. Chacun des prétendants devant venir désarmé, vous avez eu une certaine facilité pour tous les abattre tandis qu’ils étaient tous rassemblés au même endroit et que les portes étaient fermées… J’imagine que vous vous moquez de ce que je peux en penser ?
Ulysse : Ouaip.
Christian Vagueplate : Je vais tacher de synthétiser tout ce que nous avons appris aujourd’hui. Vous êtes un héros légendaire à bien des égards, mais à y regarder de plus près, vous êtes un traitre, couard, pervers, irresponsable, hypocrite, menteur, infidèle et par moment idiot.
Ulysse : Ouaip.
Christian Vagueplate : Et malgré tout ça, tout le monde vous aime ?!
Ulysse : Ouaip.
Christian Vagueplate : Tout ce que je peux dire alors, c’est que… vous êtes trop fort !
Ulysse : Et ouaip !
Christian Vagueplate : Ce sera donc la conclusion. Ulysse, je ne sais pas si je dois vous remercier mais merci quand même. Quand à nous chers téléspectateurs, ou du moins ceux qui sont restés jusqu’au bout, je vous donne rendez-vous pour un prochain numéro consacré à Œdipe. En attendant, je vais me lever de cette table sur laquelle je suis assis. Je vais enfiler mon blouson de cuir. Je vais éteindre la lumière. Après avoir fermé la porte, je vais jeter un regard vers la gauche, un regard vers la droite. Je vais relever mon col et je vais me taper une pute. Salut.
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