L'écrin des cris (V)

Sonne Adam : Transformation (Imperium Productions / 2011)

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Après une démo (The sun is dead, récemment rééditée en 7”) et un EP (Armed with hammers, bien vite épuisé), Sonne Adam voit l’opportunité de sortir son premier album, Transformation, un truc terriblement malsain, poisseux et caverneux : reptilien. Transformation, c’est noir et sans âme, mais après tout, Sonne Adam signifie la « haine de l’humanité » en hébreu. De manière plutôt inattendue, ce duo est effectivement originaire d’Israël, mais ne déploie aucun artifice oriental, à l’inverse de leurs compatriotes d’Orphaned Land. Ici, les références sont nostalgiques : les premiers Paradise Lost arrosés d’une larme sanguinolente des premiers Morbid Angel, le tout épicé d’un esprit assez lovecraftien, sans la folie chaotique d’un Portal. Sonne Adam est macabre et intelligible.

On comprend assez facilement que la nuit vient de se déchirer pour déverser des torrents d’ichor et d’ombres spectrales dans les tranchées sinueuses des ténèbres. L’abîme laisse alors entrevoir au fond de ses entrailles les ruines d’un ancien temple, où des silhouettes décharnées déplacent leurs drapés mystérieux et mystiques afin de déposer des offrandes pour quelque bête démoniaque. Car une présence rode et rampe, envahissant l’espace et le temps en vous parcourant l’échine d’un frisson âcre et desséché. Une proximité angoissante, paradoxalement corrélée à une distance encore plus inquiétante : la certitude que cette chose-là n’appartient pas à ce monde, mais s’y est introduite par quelque faille au fond d’une bolge sordide. Et qu’à présent, elle vous poursuit avec convoitise et malignité, se métamorphosant au gré de votre imagination inquiète.

Car telle est cette Transformation, un miroir forgé dans les oubliettes de votre inconscient, où tout ce qui fut refoulé ressurgit enfin en vous dévorant de l’intérieur. Ainsi le démon s’empare de votre propre forme, faisant basculer votre conscience dans la folie, laissant résonner et déraisonner cette voix émaciée dont l’écho est englouti par des arabesques hallucinées. Des lémures squelettiques, les yeux vides et impavides, vous tirent hors de cette réalité, hors de cette chair qui n’a plus rien d’humain, et traînent la dépouille de votre âme là où toute lumière est morte, là où toute vie s’éteint dans les affres de l’agonie, ne laissant qu’un râle poussiéreux encombrer les cendres de l’éternité.

Des sons lugubres se répandent dans chaque interstice, suintant quelque respiration haletante et vertigineuse. Le souffle court, martelé par des rythmes lancinants, plus rien ne transparaît au-delà de ce grand vide comme vomi par l’enfer. Une messe noire prend place dans les ruines de votre âme, chaque litanie l’enfonçant et l’aspirant un peu plus dans un vortex auquel vous finissez par appartenir, alors que le néant semble s’épaissir et devenir de plus en plus gluant. Vous apercevez au loin un vague monticule, enchevêtrement d’os liquéfiés et de chairs usurpées, mais tout cela n’est plus qu’un relief d’une existence condamnée, à l’instar de cette espèce humaine qui trouve en elle-même sa propre bestialité démoniaque et sa propre déchéance. C’est en lui même que l’homme contribue à sa propre perte en construisant son propre tombeau. La transformation n’est finalement que l’actualisation de sa forme véritable.

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