Alan Moore, La Voix du feu
En ce qui me concerne, j’ai découvert Alan Moore grâce à From Hell, et V pour Vendetta. Quelle ne fut pas ma surprise quand je pris conscience que dans mon lot de came mensuelle se trouvait cette Voix du Feu du même Alan Moore. Un roman, je n’aurais osé l’espérer. A peine l’avais-je ouvert que je redoutais la fin, et l’attente interminable d’un autre roman…
Douze chapitres à Nothampton, la ville natale de Moore. Douze chapitres mêlant des destins magiques. Moore est là, bien présent à chacune de ces lignes. A chaque chapitre, je me disais que c’était le meilleur. Et quand je l’ai refermé, je me suis dit que j’allais le relire immédiatement.
C’est un roman, ou des nouvelles, ou un texte à lire dans tous les sens, littéralement. Chapitre par chapitre, ou à l’envers, ou dans n’importe quel ordre.
Résumer serait inutile. Pas de déception cependant : on entre réellement dans l’univers de Moore. Sans image, c’est tout aussi fulgurant. Une expérience de lecture vivante, et intellectuellement entraînante.
Les degrés de lecture sont multiples. On pourrait évidemment s’intéresser au feu, mais aussi à la magie, au corps, au rapport de l’homme à son lieu géographique, au rapport de l’homme à l’autre…
A cette première lecture, cependant, ce qui m’a subjuguée, c’est à quel point par l’écriture même, Moore retrace l’histoire de la pensée. C’est l’histoire du rapport au monde, à l’autre et à soi-même que j’ai rencontrée à écouter cette Voix.
Je pourrais pérorer des lignes entières sur tout un tas de choses, mais le maître de ces lieux me censurerait au prétexte que je suis devenue une fan d’Alan Moore (ce qui et vrai, je le reconnais). Alors, je vais être brève. La Voix du feu tient sa promesse. Bien loin des comics, ou du roman graphique, mais au cœur même de ce qui fait que les comics de Moore sont géniaux. Au cœur de cette énergie incroyable et de cette profondeur spirituelle qui rendent les scénarios de Moore si captivants. J’ai adoré La Voix du Feu .
J’ai adoré passer 329 pages presque dans la tête de Moore. J’ai adoré sentir vibrer chaque neurone à chaque mot. J’ai adoré plonger en immersion dans cet univers incroyable. J’adore essayer de vous donner envie d’y aller…
Votre dévouée Vp, qui va finir par Vouer un culte à Moore.
PS : On aurait pu s’arrêter là, mais si vous avez envie que ça dure encore un peu, vous pouvez continuer. Parce que je n’ai pas pu faire autrement que de noter ces petites choses qui ont sans doute un peu trop vibrées. Je ne les impose pas, je les propose.
On lit avec qui on est, et les méandres de son propre esprit. J’avais envie de vous livrer telles quelles ces petites pensées un peu folles qui m’ont traversées et m’ont laissée un goût d’évidence absolue.
– Chapitre 1 : Le cochon de Hob
Sans doute le plus difficile à lire : pas de verbe conjugué, pas de temps, une très petite structure grammaticale. Comme une forme d’immédiateté, quand la pensée pouvait encore coller au réel. Quand le symbolisme était dans les choses, et pas dans les mots. Mais déjà, là, présent ce quelque chose qui fait la particularité de l’être humain : la sociabilité à travers le désir et l’amour.
– Chapitre 2 : Les champs de crémation
On y trouve quelque chose de l’ordre de la malice, de la ruse pour survivre. Moi, j’ai pensé immédiatement au développement du cerveau préfrontal. Une langue sublime qui commence à faire corps avec le réel : ainsi « l’homme-vît-lâge », qui marque selon moi l’entrée du symbolisme dans le corps.
– Chapitre 3 : Des terres inondées
Un chapitre terriblement humain, quand le chasseur revient au camp et que tout a disparu : apparaissent alors dans toute leur cruauté ce qui fait le sens de l’existence : le clan (la famille, l’autre, les enfants) et la réelle solitude qui s’incarne dans le cri.
– Chapitre 4 : La tête de Dioclétien
Où l’on entre dans le monde social et politique, et où l’on se confronte avec la cruelle et évidente déception qui y est liée.
– Chapitre 5 : Les saints de novembre
A la découverte du martyr et du masochisme, quand le symbolisme finit par noyer ce qu’il était censé éclairer.
– Chapitre 6 : En boitant vers Jérusalem
Entrée dans la folie, quand le tyran a fini par céder à son pouvoir.
– Chapitre 7 : Confessions d’un masque
Un pur moment d’humour magnifique, quand l’humour et l’ironie sont les seuls remèdes à une souffrance aussi interminable qu’inéluctable.
– Chapitre 8 : Le langages des Anges
La ruse, quelque chose comme le complot. Quand les femmes comprennent que le désir de l’homme est leur plus grand pouvoir.
– Chapitre 9 : Complices ès tricot
Quand l’érotisme n’est plus séduction, il fait peur… Surtout lorsque l’homme en est exclu.
– Chapitre 10 : Le soleil au mur me semble pâle
Un chapitre qui a résonné avec L’histoire de la folie de Foucault. Jusque dans l’écriture, la déraison s’insinue, jusque dans l’absence de ponctuation, et cet excès de sens qui transparaît jusqu’à tout envahir, jusqu’à ne plus laisser place pour rien.
– Chapitre 11 : J’ai toujours des jarretelles en voyage
Où l’on va au bout de la folie, jusqu’à la mort de l’autre. Émergence de la psychopathie ? Peut être. Mais avec certitude, une plongée plus que tentante dans le désenchantement du monde.
– Chapitre 12 : L’escalier d’incendie de Philips
L’impossible éclaircissement. L’impossible fin. Où l’on comprend que l’exigence n’est pas de comprendre, mais de savoir lire ce qui se donne à voir. Où l’on comprend ce qu’est le symbolisme. Où l’on comprend que ce n’est pas fini, que ça ne peut pas finir, qu’on peut toujours y retourner…
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