Ames et maîtres – Eglogue égologique
Je ne dit plus « je » depuis longtemps. Je ne s’écrit plus directement. Je se contredit en le disant ici. La prise de distance ferait défaut, au profit de la production d’oeuvres « distanciées » de soi-même, directement publiables. Il n’y a pas à broder là-dessus: je est peut-être mû par quelque mécanique utilitariste consistant à produire puis à abstraire des exsudats des semences pour générer les oeuvres suivantes. Voilà quelle serait la soupape, comprimant l’air comprimé dans le but de le comprimer davantage pour que la compression comprime… jusqu’au point où la complexification laisse à l’écart une proportion de regardeurs, atteints qu’ils sont par un sentiment de malaise provoqué par la surabondance.
Cette entropie qui complexifie l’oeuvre en la généalogisant la crucifie dans un paradigme mutatoire, lequel implique que tout achèvement signifie la mort d’une branche d’évolution, si ce n’est l’image même d’un monde à l’instant précis de sa mort. Apposer une signature reviendrait ainsi à signer l’acte de décès de l’oeuvre. En cela, je est l’infanticide.
C’est vrai, vieux: « Terminer une œuvre, achever un tableau ? Quelle bêtise ! Terminer veut dire en finir avec un objet, le tuer, lui enlever son âme. » (Picasso).
Et alors? Finissons-en.
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