Le complexe du vers à soie
Le bombyx du mûrier, plus communément appelé « vers à soie », passe une grande partie de sa vie à tisser. Il subit jusqu’à quatre mues avant de devenir un gracieux papillon. Certains mettent en avant la courte vie de la nouvelle bestiole ailée ; éternelles complaintes en écho à nos propres frayeurs. Et si la vie du papillon commençait réellement lorsque la mort commençait à planer sur lui ? La vie n’est-elle pas plus excitante lorsque l’on est conscient de sa fin ?
Tout en dentelles
Étrange introduction faisant frémir d’effroi les référenceurs les plus chevronnés, j’en conviens, mais vous connaissez l’aspect protéiforme de ma prose et les trésors d’ingéniosité que je déploie pour sortir en mille mots ce que je pourrais dire en un. Commençons par une bonne nouvelle : fidèles lecteurs orphiques, vous connaissez le réseau Ipagination auquel il m’est arrivé de faire référence. Vous avez sans doute découvert de talentueux auteurs parmi eux dont une certaine Carine Roucan, aussi connue sous le nom de « Racine et Icare » ; elle n’en fait plus partie mais il aurait été dommage de se priver d’une si agréable compagnie. Elle a proposé à différents auteurs de participer à un recueil de nouvelles sur la dentelle. Il est évident que j’en parle ici car votre révérend favori fait partie de cette illustre assemblée. Pour être honnête, j’ai spontanément refusé, pensant manquer de temps et ces ma volonté étant occupée ailleurs, pour finalement me ressaisir le lendemain même : une idée m’était venue en pleine nuit. C’est celle-ci qui figurera dans ce recueil à plusieurs mains dont vous pouvez vous faire une idée sur le Tumblr de notre maître d’œuvre. Pour ma contribution, il faut regarder l’extrait « Les sœurs dentellières ».
Le menu vous met en appétit ? Tant mieux car il possible de précommander le livre. Toutes les modalités sur le site de celle que nous appelons avec respect et affection « maîtresse ».
De l’auto-édition
Revenons-en à l’image de la chrysalide au début de cet article ; elle n’est pas (totalement) gratuite, elle se rattache à la nouvelle écrite pour ce recueil. Le cycle de cette vie, si légère en grammes et en temps, fait aussi référence à mon cycle personnel, étant petit à petit entrain d’émerger de mon cocon d’obsidienne. Certaines étapes m’ont donné l’impression d’évoluer :
- Quand j’ai détruit « le testament de Caïn », roman qui devait être mon épitaphe. J’ai à ce moment commencé à rentrer dans mon cocon.
- Quand j’ai écrit pour des amis « Par-delà le songe » : de ce conte est née la saga de L’île-où-les-rois-se-reposent.
- En écrivant « Bienvenue au café des Liches », j’ai fait le lien entre ce que j’aime faire et ce que je sais faire. J’ai également mis fin à un cycle en faisant référence au « Testament de Caïn »
- Participer à ce projet collectif m’a énormément apporté.
Maître Gzom sur un bar perché me dit souvent « c’est bien les textes courts, mais quand vas-tu te lancer dans ton grand œuvre, ton roman ? ». Cette nouvelle inédite, « les sœurs dentellières » m’a donne envie d’en faire plus ; plus qu’une résolution, un désir profond.
Que Carine me propose de faire partie de l’aventure m’a aussi donné envie de me lancer. Lors de l’éditorial pour le premier anniversaire de l’Orpheo Mundi, j’ai laissé une étrange photo que je remets ici. Si vous ne connaissez pas cette image, c’est que vous n’avez pas lu cet édito exceptionnel ; il vous reste un peu de temps avant que je ne m’en rende compte. Allez-y maintenant, je regarde ailleurs, je vais préparer un mafé, on se retrouve quand vous avez fini.
Bon retour parmi nous. Vous avez tout lu ? Non ? Je vous laisse encore un peu de temps.
Poursuivons à présent le récit de votre révérend favori (moi, dois-je encore le rappeler ?). J’ai été soumis à la tentation, sachant qu’il n’est pas dans ma nature d’y résister ; si l’une de mes nouvelles figure dans un recueil, pourquoi n’essaierais-je pas de publier mes autres écrits ? Je vois d’ici mes proches bondir et/ou tomber de leurs chaises en s’exclamant « ça fait des années qu’on te le dit espèce de bourrique ! ». Oui, da, certes. Passons sur ces récriminations légitimes. J’ai fait un premier test, en passant par le site d’auto-édition lulu.com, avec la pièce de théâtre/nouvelle « Bienvenue au Café des Liches » ; la couverture est de notre bien-aimé Cardinal des Encres et des âmes. Le livret livré de 43 pages et le résultat m’ont satisfait. Je vais à présent compiler mes écrits pour permettre, à celles et ceux qui le souhaitent, de se procurer les livres papier. En revanche, ne vous attendez pas à pouvoir le faire de suite : je vous sais impatient, mais il reste quelques contraintes avant que je ne puisse vous livrer mes œuvres. D’une part, je suis en cours de déménagement, je quitte enfin Saint-Denis et ses affres, d’autre part, j’ai énormément de corrections à faire sur ce qui a déjà été publié ; corrections orthographiques et grammaticales, mais aussi modifications de certains textes. Je remercie au passage Maîtresse qui a accepté de m’aider. Je comprends mes qualités et mes défauts, et un coup de main ne sera pas de trop pour me guider dans mon évolution.
Sur le Rêve-Errance
J’hésite sur un point : vais-je laisser les textes d’origine ou les remplacer par leurs nouvelles versions ? À la réponse audacieuse de normand « ben, les deux, tête de nœud », je ne peux répondre que ce n’est pas opportun. Sans entrer dans les détails techniques, ce serait mettre deux fois le même article, ce que les moteurs de recherche (et les lecteurs) détestent. Le but du réseau Orpheo Mundi est de faire connaître des artistes, pas de nous saborder avec les obscures notions de « duplicate content ». À priori, je pense laisser les versions d’origine sur le Rêve-Errance, tout de même corrigées des nombreuses fautes les émaillant, et garder la primeur des nouvelles versions pour les livres. Il ne s’agit point d’une préoccupation vénale mais d’un souci de référencement ; le but est aussi de conserver l’intégrité de ces lieux. Les commentaires laissés et les visites sont dus aux textes originels, il serait trompeur de les altérer (sauf pour les corrections élémentaires)
Et pour la suite – demandez-vous, inquiets – pourrons-nous toujours lire les prochains textes gratuitement en ligne ? Bien sur que oui ! Mon plaisir est de publier, d’offrir gratuitement un peu de ce que j’aime faire sans que rien ne puisse supplanter ceci. Il ya certes moins d’intérêt à acheter un livre lorsque celui-ci est déjà disponible sur internet ; économiquement, c’est se tirer une balle dans le pied. J’ai déjà un travail, certes alimentaire, me permettant de vivre. Même en mettant une marge afin de récolter quelques deniers, le but n’est pas l’enrichissement forcené, d’autant plus que je souhaite que ces livres restent à un prix abordable. Je continuerai donc comme je l’ai toujours fait à publier sur mes sites au fur et à mesure ; je compilerai ensuite mes nouvelles. Faire ainsi selon mon bon vouloir, être libre de mes mouvements, est la raison essentielle pour laquelle je choisis l’auto-édition au lieu de démarcher de prestigieuses maisons d’édition.
Concernant la feuille de route :
- Le premier recueil sera « De profundis », regroupant mes nouvelles avec une annexe pour les poèmes
- Viendra ensuite le « Mythos Nullos Lexicas ».
- Les nouvelles composant « La chair des corbeaux » formeront un seul recueil, lorsque tout sera fini.
- « À travers nos pas », bien que faisant parti de la saga de L’île-où-les-rois-se-reposent, aura sa propre publication.
- Pour les rôlistes, j’essaierai de sortir une version papier de « L’échelle de Jacob »
Tout ceci prenant plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années, il faudra faire preuve de patience. Je suis pour ma part très excité par l’idée de publier, tout comme je le suis par tout ce qui me permet de me lancer.
Anamorphose en ombre chinoise
Mes idéaux esthétiques changent en fonction de mes expériences, c’est une évidence. Certains détails me semblent assez symptomatiques du passage de l’état d’enfant à celui d’adulte, comme le fait de prendre conscience de ses qualités et de ses défauts. Bambin, comme beaucoup du même âge, j’aimais « les trucs qui flashent et font whaou ». Dans les dessins-animés ou les comics, les personnages associés au feu avaient ma préférence car symboles de puissances et de vie. Il y a peu, je me suis rendu compte que j’avais une nette préférence générale pour l’air ; je suis maintenant attiré par le vent et toute la symbolique associée. J’aime cette sensation primale de le sentir passer sur moi. Je me demande si cela n’a pas commencé avec la découverte, au lycée, de ces vers de Verlaine :
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Que serait un révérend sans péché pour le porter ? Il est socialement de bon ton de dire que la luxure est son péché capital favori ; je ne déroge pas à cette règle bien que je me sois à présent rangé. Longtemps, je me suis menti en pensant que l’orgueil était celui qui me correspondait. À présent, j’assume la paresse comme étant celui qui me définit le mieux, cette paresse dans la forme originelle d’acédie, cet ennui très baudelairien qui « dans un grand bâillement avalerait le monde ». À l’inverse, si je devais choisir une vertu, ce serait l’espérance, cet ensemble d’espoirs qui sont la raison d’être de l’Orpheo Mundi. Je découvre petits à petits ces infimes variations ; elles m’enrichissent comme un encrier remplissant une plume.
L’envol
Je ne compte plus le nombre de fois où des amis m’ont demandé d’arrêter de me sous-estimer ou de faire preuve de modestie. La dernière fois fut il y a peu de temps en présentant à ma Déesse les musiques d’ambiance composées pour « L’échelle de Jacob ». Spontanément, je n’ai pu m’empêcher de préciser « qu’il ne fallait pas s’attendre à un opéra, que ce n’était que quelques musiques faites avec un logiciel ». Elle m’a répondu que je « devais arrêter de me minimiser, » ce que j’ai pris avec humour mais qui me fit réfléchir. Fausse ou vraie modestie, je suis toujours sur la défensive pour au final rougir d’un rien. Fausse ou vraie modestie n’est pas le problème ; le vrai est que je coupe court à toute critique en m’excusant par avance. Imbécillité de ma part ! J’aime ce que je fais, j’écris ce que j’ai envie de lire, je crée les musiques que j’ai envie d’écouter, je fais ce que j’aime et je n’ai pas à m’en excuser ! Si je ne peux être fier de tout, je n’ai pas à rougir de ce que je réussis ! Si je veux avancer et évoluer, je dois accepter tout, aussi bien les critiques positives que négatives, sans me surprotéger. Si je reprends un passage de ce film que j’ai adoré, « Shortbus » : « il n’y a rien qui ne puisse être pardonné ». Ouf, il m’a fallu 34 ans pour en arriver là. Je déchire le cocon, et décide de m’envoler. Si mes premiers vols sont malhabiles, je compte sur vous pour souffler sur mes ailes et me porter plus haut encore. J’ai maintenant conscience du temps en quittant mes soies confortables, j’entraperçois l’avenir. Je conclus en citant le premier texte que j’ai publié ici et que vous trouverez également en version audio enregistrée par mes soins :
Je cours de toutes mes forces restantes. Mon âme brûle. La terreur sacrée me pousse… et pourtant… c’est la première fois que je vois les étoiles aussi nettement…
Fin d’un cycle de vie, un nouveau commence.
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