Mehdi Gzom, un auteur sans compromis
Mes salutations, rêveuses et rêveurs,
Je vais vous parler d’un auteur que j’affectionne, membre éminent de ce réseau. Les fidèles se disent spontanément : « m’enfin, mon révérend, tu radotes ; tu as déjà parlé de lui ». Il est vrai qu’un sujet lui avait déjà été consacré ; toutefois, celui-ci n’était pas convenable. Pourquoi un tel revirement vous demandez-vous ? Petit flashback explicatif :
Il y a quelques jours, j’ai demandé à une amie (que j’embrasse au passage) de jeter un coup d’œil aux extraits disponibles sur le net de « Pérégrinations » pour me donner son avis. Je l’ai présenté avec la même passion que dans le sujet précédent en qualifiant Maître Gzom de génie littéraire. Elle m’a fait remarquer à juste titre qu’elle se méfiait du terme de « génie » bien trop souvent galvaudé, ce qui ne l’a pas empêché de parcourir les pages de ce roman. Sa réponse ne fut pas celle que j’attendais ; elle n’aimait pas. Ses réactions m’ont toutefois éclairé sur bien des points et je l’en remercie. Comme l’annotait si bien feu mon professeur de philosophie « c’est très bien, mais attention à ne pas faire de tes copies des manifestes ». Mon naturel péremptoire peut me jouer des tours, la preuve ici, n’ayant fait qu’asséner ma vérité avec enthousiasme. Ce n’est pas lui rendre service. Je vais cette fois tâcher d’être moins dithyrambique pour être plus analytique afin que vous puissiez vous faire une idée. Je vous présenterai les points négatifs et positifs ; à vous ensuite de juger.
Commençons par présenter son roman actuellement en vente : « Pérégrinations ».
Des amis passent des vacances en Espagne, situation Ô combien classique, mais la maison louée se transforme en piège où tous les règlements de comptes sont permis. Oubliez « les copains d’abord » ou « les copains d’avant », nous ne sommes pas ici dans la nostalgie liant les cœurs ; ici elle les broie. L’habitude de se côtoyer est confrontée à la lassitude et aux douleurs partagées. Le personnage pivot se nomme M., comme le Maudit ou Mehdi Gzom. Ne croyez pas que ce soit une biographie, même si d’aucuns diraient qu’un auteur se raconte sans cesse. Ses amis les plus proches, Chan et Julien, et lui sont des gens brillants qui ne trouvent pas leurs places dans ce monde. Ils sont aigris en général et brutaux avec leurs amis qui ne cessent pourtant de les aimer. Être aimé peut être plus douloureux qu’être haï lorsqu’on se déteste soi-même. Être d’une grande intelligence ne suffit pas au bonheur, tout comme cela ne protège pas du ridicule ; la confrontation entre M. et le curé en est la preuve (admirez la façon dont je vous appâte sans vous en dire trop). Ce livre est publié par la maison d’édition « Le manuscrit ». Il me semble que cette société se concentre maintenant sur les romans à compte d’auteur. C’est l’un des derniers à avoir eu un contrat d’édition classique.
Avant de passer à l’analyse proprement dite, je vais évacuer mes sentiments personnels. Mehdi Gzom est un ami, un frère que je surnomme Aniki. Il est pour moi un exemple personnel mais aussi esthétique. À défaut d’avoir lu son roman, vous avez pu découvrir certaines publications dans un édito et sur son blog. À la lecture de celles-ci, j’ai ressenti un réel plaisir physique. Quand je parle de plaisir physique, ce n’est pas dans le sens où vous l’entendez, bande de pervers. Mon corps et mon esprit réagissaient à la fureur de ces mots comme en réponse à un appel. Je reviendrai sur ces deux publications qui m’ont touché mais qui sont aussi emblématiques de ce qui peut rebuter. J’ai relu il y a peu « Pérégrinations » avec le même plaisir que la première fois et j’espère qu’à la lecture de ce qui va suivre, vous serez curieux de le découvrir. Quittons maintenant l’affect et l’enthousiasme amical pour devenir un auteur parlant d’un autre auteur.
Le credo de cet écrivain est « oui au compromis, non à la compromission », ce qui peut être antinomique au vu du titre de cet article. Il ne fait aucun compromis, il ne transige pas pour plaire au plus grand nombre et c’est là autant sa force que sa faiblesse. Il a un style immédiatement identifiable, mû par une culture générale importante. On comprend aisément que sa vision esthétique n’est pas dans la simplification du discours mais dans le fait de s’élever et d’élever avec lui le lecteur. Chaque mot qu’il emploie est précis ; on sent un texte totalement assumé et retravaillé à de nombreuses reprises. Toutefois, il ne se prend pas au sérieux. On passe de réflexions sur la condition humaine à des clins d’œil aux comics nous ayant bercé. Par moment, le narrateur-auteur prend la parole pour des didascalies d’autodérision, allant jusqu’à demander aux gens de faire la promotion de son livre afin qu’il puisse manger. Il fallait oser, il l’a fait. Si certains personnages reprennent les archétypes présents dans les groupes d’amis, ils n’en conservent pas moins la complexité des humains. On se surprend à sourire ou on s’énerver en nous reconnaissant à travers eux. Ce roman est aussi fin dans les mots que dans l’analyse des caractères et des rapports humains. L’humanité d’ailleurs, elle est malmenée dans ce récit ; lâche, veule, grotesque, futile, elle en prend pour son grade. On a souvent envie de donner des claques aux personnages. Si cette finesse dans le fond et dans la forme nous plonge dans cet univers qui est si proches du notre, ces phrases ciselées ont un prix.
À ceux qui me disent régulièrement « qu’il faut un dictionnaire pour me comprendre », sachez que ce n’est rien par rapport à lui. Pour qui aime la langue française et la philosophie, ce roman sera un plaisir. Pour les autres, la lecture pourrait être plus ardue ; il ne transige pas. Nous avons ironisé sur ce fait avec Loume Astrée. Ce dernier me disait, amusé, qu’il n’était pas forcément pour le titre « Le blog d’un écrivain chafouin », pour le site de Maître Gzom, car les gens qui ne connaissaient pas ce mot fuiraient de suite. Je lui répondis sur le même ton taquin, que si les gens fuyaient à cause de ce terme, ils ne passeraient pas la première page du livre (on s’amuse comme on peut). Pour être honnête, son écriture pourrait être vue comme élitiste.
J’ai fait référence tantôt à ses deux publications sur le réseau (je le devine entrain de trembler car il sait que je vais le cravacher pour en faire plus) ; elles sont le symbole de son côté obscur. Quittons un instant le monde littéraire pour entrer dans celui du cinéma grâce à mon habile transition sur les Jedis noirs. Il y a quelques temps de cela, j’ai regardé le film « Inland empire » de David Lynch, sans en connaître la trame mais porté par ma dévotion pour ce réalisateur. J’ai aimé les premières minutes… Puis j’ai été agacé. J’ai eu l’impression que Lynch se caricaturait lui-même en complexifiant plus que d’habitude son discours au point que celui-ci en devienne inaudible. Son talent n’était plus, pour moi, que de la démonstration matinée de foutage de gueule ; un véritable gâchis. Et bien pendant cette séance de torture, j’ai pensé à ce qu’avait écrit Mehdi Gzom sur son blog et dans l’édito. Je vous l’ai dit, j’ai adoré, mais en regardant « Inland empire » je me suis retrouvé à la place de certains lecteurs découvrant ses textes que je qualifierais d’extrêmes. Il est possible qu’ils aient cette réaction de rejet. Il aime les mots, il se damnerait pour un bon mot (comme je le comprends) mais ceci peut mener à de la démonstration plus qu’à la rédaction. La haute-voltige est d’autant plus périlleuse que les excès peuvent nuire à l’émotion (excès de pudeur ?). Je vous rassure, nous n’en sommes pas à ce niveau là dans « pérégrinations », mais je suis conscient que les personnes un peu réticentes, voulant des choses simples et légères pourraient être facilement rebutées.
Après tout ceci, à qui s’adresse ce roman ? Je dirais : aux enragés, aux colériques, à ceux qui ont envie de dire merde aux conventions, à ceux qui en ont marre du paraître et de la délicatesse, aux dégoûtés des auteurs actuels, à ceux qui trouvent que le monde marche sur la tête et pour qui l’enfer est autant les autres que soi. Sa plume est précieuse, trempée dans les joies de l’adolescence avec ses nombreux clins d’œil mais aussi dans une certaine amertume. Ce n’est pas un livre de plage, c’est un roman qu’il faut apprivoiser. En dépit de mes critiques, je pense chaque mot écrit dans mon article précédent. Merci à ceux qui trouvent que j’ai du talent, mais en vérité je vous le dis, je ne suis au mieux que le Salieri de ce petit Mozart (petit qui se fait vieux quand même. Prends ça dans les dents)
Si vous avez tenu jusqu’ici, c’est que vous êtes prêt(e)s à le lire. Vous pouvez commander le livre sur internet ou l’acheter au format numérique sur des boutiques comme le Google play. Si vous préférez lire des extraits avant de vous lancer, ce qui est compréhensible, voici le lien.
Que le livre vous ait plu ou non, n’hésitez pas à venir commenter ici.
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