Un grand cri d'amour
On a tous des années de prédilection : pour moi, ce sont celles passés dans un institut de sondages célèbre. J’étais simple télé-enquêteur. Oui, j’étais de ces énergumènes qui vous appellent de façon interlope aux heures de repas, les week-ends, y compris parfois le dimanche, pour vous poser des questions sur la politique ou sur la consommation, sans compter les sujets plus absurdes les uns que les autres. Mépris, insultes et le traditionnel raccrochage violent au nez composaient un quotidien agrémenté d’un salaire de misère. Sept ans de ma vie.
Alors pourquoi cet attrait pour un boulot mal payé où j’étais considéré par ceux que j’interrogeais comme la lie de la société ? Parce que j’y ai trouvé des gens qui me ressemblaient, parce que je me suis éclaté et me suis enrichi. Une partie importante des gens que je présente au Café des Liches viennent de cet endroit :
- le peintre Alec Lloyd Probert qui honore le forum de ses écrits nietzschéens
- Les musiciens de Soul Like Breeze se sont rencontrés là bas
- Alick, maître des vampires y a fait un passage
- Vp Loose qui sait si bien analyser les chansons sur un axe philosophique est entrée dans ma vie là bas
- Mehdi Gzom que je n’aurais de cesse de qualifier de génie est un compère de salle de pause
- Yann Landry qui a créé son site d’interview d’artistes n’y a jamais mis les pieds, mais je l’ai connu grâce à l’auteur précédemment cité.
- N’oublions pas Timar de Ladesh, talentueux slammeur devant l’éternel.
Et je ne parle ici que de ceux présents sur l’Orpheo. Ce matin, j’ai appris qu’un autre camarade de galères téléphoniques allait bientôt exposer. C’est ce qui m’a donné envie d’aborder ce sujet.
J’ai eu le privilège d’y croiser des gens aux histoires intéressantes, prof de philo ayant fait de la prison en Iran pour dissidence politique qui dans sa geôle à étudié pour passer le capes, gloire déchue des sitcoms, peintre transsexuel, ancien attaché ministériel et j’en passe. Même les histoires plus classiques appartenaient à des gens passionnants et pertinents. Bien sur il y avait des poseurs, des gens qui m’intéressaient moins, mais globalement je suis heureux d’avoir pu croiser la route de toutes ces personnes.
Comment se fait-il que tant de talents soient réunis au même endroit ? Parce qu’il s’agit essentiellement d’un boulot à mi-temps parfait pour des étudiants, des artistes entre deux tournages, tournées ou séance de dédicaces. Un boulot également idéal pour tous ceux en voie de réinsertion ou dans mon cas qui n’ai pas un grand talent, en voie de rédemption. Serveurs au Macdo, caissiers, télé-acteurs, personnel d’entretien; la liste de ces jobs est trop longue pour être cités. Je me demande simplement si les gens qui méprisent ceux qui les pratiquent se rendent compte que leurs interlocuteurs sont souvent plus diplomés qu’eux et/ou ont plus de talent…
Par moment nous étions plus souvent en pause que devant nos postes parlant d’art, de littérature, de politique, de sexe, de drogues, d’alcool et de dépression dans de franches rigolades et de grosses engueulades. Régulièrement fauchés, souvent agacés par le monde, parfois effondrés mais toujours exaltés, comme dans tous les petits boulots nous étions une cour des miracles où j’ai acquis mon titre de Révérend.
Je sais pourquoi j’en suis parti et l’idée d’y retravailler un jour me donne la nausée; le temps n’embellit pas mes souvenirs. Mais je sais aussi pourquoi j’y suis resté tant de temps. En découvrant les artistes dont je parle et les précieux membres du café des Liches, vous comprendrez aisément pourquoi j’ai tant aimé cette époque. Petit bonus : j’y ai même rencontré mon homme.
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