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Le Rêve-Errance, Page 5

Fadaises et fariboles d’un rêve errant.

APOCALYPSE

Le bar était vide à présent. Le serveur rangeait sans se soucier de nous. Je ne pouvais partir. Pas maintenant. Les trois pénitents se regardaient en silence, ébahis mais conscients de s’être livrés au-delà même de ce qu’ils avaient secrètement espéré. Hérésie, blasphème, apostasie, existait-il un mot assez fort? Pourtant loin de fuir leurs vérités, ils restèrent ainsi assis complices. De nouveau ils étaient frères. Enfin. Ne souhaitant pas briser de suite cette harmonie retrouvée ils se levèrent lentement, sans un bruit et payèrent leurs innombrables consommations. Avec un sourire triste, le prince du mal laissa trente euros de pourboires. La chape de plomb retomba sur eux. Je compris qu’il savaient qu’en partant l’éternité reprendrait son cours

ETERNITE

Le loup d’obsidienne à la croix blanche sur le front espérait qu’une de ses proies deviendrait son maître. Il voulait se coucher à ses pieds, pendant que son seigneur lui caresserait la fourrure, apportant son réconfort en effaçant toutes ses cicatrices. Il était prêt à se perdre contre un instant de tendresse. Les mots du scorpion courraient dans sa tête comme un poison laissé par son dard

SISYPHE GRAVIT BABEL

Le travail achevé, il la dégagea avec courtoisie pour se lever. Il se dirigea vers la salle de bain et laissa couler l’eau sur son corps. Il voulait se purifier. Il ne voyait pas en elle Marie-Madeleine. Jamais cette créature ne pourrait l’être. Ce n’était qu’une misérable petite prostituée loin de la sainte qu’il idolâtrait

LA TEMPÊTE ET LE CIEL

Interrogé par les enfants de l’empereur, il leur apprit qu’une tempête avançait sur le monde, dévastant tout sur son passage, alors même qu’ils se soumettaient à des épreuves indignes. Ils voulaient savoir qui règnerait ?! Alors que celui qui dompte la tempête soit le prochain empereur du ciel. Le cygne poussa son dernier chant, son ultime prophétie. Une symphonie qui fit vibrer les fondations du monde ; un appel au jugement du ciel. Son plumage se ternit, son cou gracile devint de la pierre, son regard infini devint deux perles. Il ne fut plus qu’une statue maintenue au mur de l’enfer par des chaînes de fer et de sang.

L'OMBRE CHROMATIQUE

J’errai dans la galerie jusqu’à ce que je le voie lui. L’agneau. Il était assis sur un banc face à un tableau. Le loup. Je m’approchais de lui ostensiblement. Il ne m’entendit pas. Je n’étais plus qu’à quelques centimètres de lui. J’aperçus ses écouteurs. Je tendis l’oreille. Paganini. Le musicien du diable. C’est là un des avantages de notre condition. Notre perception des couleurs est certes amoindrie mais nos sens sont bien plus développés. Notre ouïe notamment. C’est pour mieux nous entendre mon enfant. Il finit par se rendre compte de ma présence et se retourna. Son regard. Je reculais devant son regard ! Ses yeux verts luisaient, scintillaient comme deux phares au sein des brumes. Il ne semblait pas s’être aperçu de mon trouble. Il éteint son baladeur, retira ses écouteurs et me salua. A genoux le malade devant son onguent […] Je l’ai forcé à me regarder. Il fut tétanisé. Oui nous sommes sublimes. Nous sommes ce que chacun de vous avez peur d’être. Nous sommes ce que vous n’osez pas être. Nous sommes vos désirs inavoués. Le diable. Il s’oublie, se relâche et rajoute l’odeur splendide de la peur à celles de son crime. Le jeu était à son paroxysme. Il était temps d’en finir. Mes canines percèrent sa carotide. Son sang éjacula dans ma bouche. Chaud, salé, vivant. Je sentis son cœur battre de plus en plus vite. Je me vis à travers ses yeux. Son corps se refroidissait tandis que le mien se réchauffait à la lumière de son sang de ses émotions. J’entendais ses pensées. Il me montra tout de sa vie. Tu voulais mourir. Je t’ai donné ce que tu souhaitais. Tu étais trop lâche alors tu as donné la mort aux autres. Assassin.

MON COEUR ENTRE DEUX PAGES

Tu dis à tous que tu as tourné la page. Mais moi je sais car je suis ton seul et unique marque-page. Mon maître, tu es mes yeux mais je n’ai pas besoin de voir. Tu es mes oreilles alors que je n’ai pas besoin d’entendre; mes mains pour moi qui n’ai pas besoin de toucher; mon odorat pour moi qui ne sens pas mais ressens; ma voix sauf que je n’ai pas besoin de gorge pour m’exprimer. Tu es mon guide, et pourtant c’est moi qui te montre le chemin, moi que tu laisses entre les pages d’un livre dont nous connaissons tous deux déjà la fin.

Par-delà le songe

« Où sommes nous ? »
« Sur l’île où les rois se reposent, terre d’infini et d’impossible »
Ainsi répondit la chenille sur un ton sarcastique
« Pourquoi se reposent ils ? »
Voulut ELLE savoir
« Ils attendent le retour du Prince du Ciel. Viens tu chercher sa voix ? Sache que beaucoup ont tenté et tous ont échoué, perdus dans la forêt sans vie, les montagnes sans pics, les rivières sans fond, les demeures sans âmes. Tous avaient senti l’appel du Prince du Ciel »
ELLE sourit et demanda à la chenille :
« Puis je entrer ? »
« A guise. »
Ricana la chenille.
Afin d’accéder à sa requête, il tira une bouffée de son houka, souffla la fumée qui devint un chemin s’enfonçant dans la forêt puis rajouta :
« Suivez le sentier des brumes jusqu’à l’objet de votre quête. Soyez vos guides »
ELLE et le Petit Canard s’enfoncèrent dans la forêt non sans avoir remercier la chenille dont le regard s’était déjà perdu au-delà de la mer.

L'ORAGE

Dans un souffle,

la douceur fait place à la douleur,

divine souffrance, exquise ordalie.

DANS UN VERT D'ABSINTHE

Solitude je bois a ta santé!
Le goût de fer sur ma langue révèle tes senteurs sucrées.
Le dégoût des autres me fait plus apprécié tes rondeurs acérées.

A MES PAIRS

Je cours de toutes mes forces restantes. Mon âme brûle. La terreur sacrée me pousse… et pourtant… c’est la première fois que je vois les étoiles aussi nettement…