Danse avec les mots

Au hasard de mes pérégrinations sur le web, je suis tombé amoureux de la chorégraphie suivante sur « Somebody that I used to know », chanson de Gotye, en duo avec la chanteuse Kimbra dont je vous avais parlé il y a quelques années. Cette danse parfaitement orchestrée m’a donné envie de coucher quelques mots ici afin d’en discuter avec vous.

Elle est la création de CDK Company, une compagnie de danse basée aux Pays-Bas, et est le fruit de la collaboration de plusieurs esprits. Les chorégraphes bien sûr, mais aussi les stylistes et la réalisation du clip qui ont mis en commun leurs créativités pour accoucher d’un bien joli bébé. Ce n’était pas leur galop d’essai, d’autres vidéos sont également disponibles sur le compte YouTube de Sergio Reis, l’un des chorégraphes. Je ne résiste pas à l’idée de vous en partager une autre ayant gagné mes faveurs.

« Mais mon révérend, allez-vous partager avec nous une vidéo de vous en train de danser ? » demanderont avec un sourire goguenard celles et ceux qui connaissent mon incapacité fondamentale à bouger mon body en public. La réponse est donc non, comme vous l’avez deviné. La seule personne qui réussit à me faire danser est une amie cubaine car, bien qu’elle soit menue et belle comme tout, c’est Fidel Castro sans la barbe. Quand elle m’interpelle en disant d’une voix autoritaire « Eugenio, ici », je sais que mon libre arbitre et l’habeas corpus n’existent plus. En dépit de tout ceci, j’aime viscéralement regarder les gens danser, j’aime la façon dont les gens se libèrent de tout carcan pour être eux-mêmes le temps d’une chanson. Je n’ai pas besoin en revanche que la personne danse bien pour tomber sous le charme. Prenons l’exemple de Thom Yorke, le chanteur de Radiohead dans le clip de Lotus Flower. Il nous prouve que ce n’est pas un danseur né, mais sa façon de bouger est la sienne, son exaltation interne exalte mon regard parce qu’il est lui, parce qu’il se livre au-delà de la musique.

La « danse du papillon crevé » de Ian Curtis est restée dans les mémoires bien au-delà de sa mort. Pourquoi diable dansait il ainsi ? Parce qu’il était épileptique et qu’il reproduisait les gestes qu’il faisait lorsqu’il était en crise dans une forme de catharsis. Personne d’autre ne dansait comme lui ; il était unique et c’est cette unicité qui a marqué les esprits.

La danse peut aussi avoir une composante sociale et politique comme c’est le cas avec le voguing par exemple, une danse créée par les LGBT afro-américains et latinos et revenue à la mode depuis quelques années. Plus précisément c’était plus qu’une danse, c’était une revendication de leur existence, un art de vivre tout autant qu’une échappatoire ; une flamboyante façon d’assumer son existence en dépit des préjugés. Pour en savoir plus, je vous invite à regarder la courte vidéo suivante. Je vous suggère également fortement l’excellente série « Pose » qui en parle, une création de Ryan Murphy, Brad Falchuk et Steven Canals (ceux derrière des succès comme Nip/Tuck, Américan horror story, Glee, etc)

On peut également découvrir l’impact sociale de la danse grâce au film « Rize» de David Lachapelle, un excellent documentaire sur le Krump, une danse des ghettos urbains qui immanquablement, au fur et à mesure du visionnage, fait penser aux rites sacrés des cultures africaines, comme si les danseurs revenaient à quelque chose de fondamentalement ancrés en eux alors qu’ils n’ont surement jamais mis les pieds en Afrique.

Plus globalement, j’aime voir les mouvements des gens, leurs gestuelles comme dans cette interprétation live de la chanson « Somebody that I used to know » qui a servi pour la chorégraphie au début de cet article ? Hé oui, ici on sait retomber sur nos pattes. Dans cette vidéo, il n’y a pas de gestes impressionnants comme celle plus haut, c’est même minimaliste, mais leurs corps accompagnent leurs voix, les modulent pour trouver le ton juste. Je réalise que les cordes vocales ne sont par le seul instrument de musique humain, le corps tout entier fait partie de la performance.

Revenons à la CDK company et la raison pour laquelle je suis particulièrement bluffé par leur travail et plus globalement par ceux de tous les créatifs que je qualifierai de « physiques », que ce soient les chorégraphes, les peintres, les sculpteurs, les réalisateurs et j’en passe ; toutes celles et ceux qui matérialisent ce qui n’était qu’abstrait. Je le résumerai en un mot : visualisation. Ils arrivent à visualiser et ainsi à concevoir des choses merveilleuses parce qu’ils voient le résultat avant même d’en accoucher. Il fallait visualiser la chorégraphie, prendre en compte la morphologie de chaque danseur ou encore leurs coiffures (qu’ils aient des cheveux courts ou long ce qui impacte l’appréciation du mouvement), choisir les vêtements avec soin, décider du mouvement et des angles de caméra, etc. Ça me bluffe parce que j’en suis incapable. Par exemple, je suis dans l’impossibilité de visualiser une simple pomme. Je ne vois qu’une forme confuse, je peine à la concevoir. Je sais quel goût elle a, son poids, je sais qu’elle peut être de telle ou telle couleur, mais je n’arrive pas à m’en faire une image mentale physique. Cela affecte donc ma façon d’écrire en décrivant finalement peu les choses, les lieux ou les objets. Je suis plus sur le registre des émotions et du ressenti que sur la description précise comme savait si bien le faire un Victor Hugo. Je vous rassure, même si n’étiez pas inquiets pour moi, je le vis bien. En revanche je travaille dessus pour le roman que je suis en train d’écrire. À défaut de danser physiquement, j’essaie de danser avec les mots, chacun son domaine d’expertise en somme. C’est ma façon d’être libre.

Je termine en faisant un peu de publicité pour l’association Gloibal Ethnik, une association de danse africaine dont faisait partie notre regretté VP Loose. Voici le lien vers leur compte Facebook et leur adresse si vous souhaitez vous mettre à la danse africaine ou voulez assister à leurs spectacles :

Global Ethnik

Noisy-le-Grand
1 rue des Hêtres
93160 Noisy-le-Grand

e-Mail : globalethnik@gmail.com

En résumé, quoi que vous fassiez, quelle que soit la manière et la matière, dansez.

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